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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/556

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pied du tribunal les richesses de l’église alors le bienheureux diacre se fit amener tous les pauvres, et, après avoir placé dans le ciel son vrai trésor, il se hâta de les combler de ses dons. À cette nouvelle, le juge devient pareil à un fou furieux : il appelle le feu au secours de sa méchanceté ; il s’ingénie à inventer de nouveaux tourments, et, sur son ordre, le bienheureux martyr est précipité dans les flammes. O juge, que fais-tu ? À quoi bon te donner tant de peine ? Pourquoi t’échauffer ainsi ? Commence, si tu en es capable, par éteindre la flamme ardente qui consume ce grand cœur, et, puis, tu réduiras en cendres le corps de ce martyr. Que gagnes-tu à torturer un confesseur dans la partie matérielle de lui-même ? Si tu le peux, tire vengeance de son courage à supporter la douleur. Tu viens à son aide, et tu n’en sais rien. Tu travailles à son avantage, et tu l’ignores. Une fois débarrassé du fardeau de son corps, notre martyr n’en sera que plus agile pour monter vite au ciel : à mesure que son corps se consume, les forces de son courage s’accroissent ; tu viens donc à son aide, puisqu’il ne souhaite rien tant que de sortir de cette enveloppe mortelle, où il se voit emprisonné pour un temps tout comme les autres hommes. Nous le savons pour l’avoir lu, mes bien chers frères : on soumet au feu les vases du potier, afin de les éprouver. Laurent, on peut le dire, a conservé en sa personne l’ouvrage du Christ, puisqu’il a subi, sans fléchir ; les ardeurs de la fournaise. Sa chair servait d’aliment à la flamme, tandis qu’intérieurement son esprit veillait. Le saint et invisible vase qu’il était allé chercher à la source, il le tenait aussi sur le feu : car, se voyant cuit d’un côté, il offrait lui-même de se retourner sur l’autre : son désir était d’être éprouvé à droite et à gauche par les armes de la justice[1] : « Retournez-moi », s’écriait-il, « et mangez, car c’est cuit ». Admirable puissance de la foi, mes frères ! Laurent se moquait de l’incendie allumé dans son corps, car la flamme de la charité le brûlait intérieurement. Les mets destinés à la table du Seigneur, le persécuteur n’a pu les faire servir à son propre usage, et les impies sont restés à jeun, parce que, dans leur vanité, ils n’ont point voulu se soumettre à la foi chrétienne ; mais cette foi a conduit dans le droit chemin et jusqu’à son glorieux but l’âme de Laurent ; son martyre et sa victoire l’ont portée en la présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

QUINZIÈME SERMON. POUR LA DÉCOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE. I

ANALYSE. —1. À pareil jour on célèbre plutôt la naissance de Jean que celle d’Hérode. —2. Préparatifs du festin. —3. Honteuse ivresse du roi et de ses convives. —4. La danse de la fille d’Hérodiade a pour résultat la décollation de Jean. —5. Épilogue.


1. Quand on eut fini de célébrer la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu de la salle du festin, et sa danse plut au roi. Toutefois, le jour où était né ce misérable lui procura moins de joie qu’à Jean-Baptiste, bien que celui-ci y ait perdu la vie ; car il y a plus d’avantage à prendre en Dieu une nouvelle naissance, qu’à venir au monde pour appartenir au diable. Ce jour fut donc, à bien dire, celui de la naissance, non pas de l’impie Hérode, mais du Prophète ; et c’est chose facile à comprendre : en effet, le jour

  1. 2 Cor. 6, 7