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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/609

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dans un état de nudité complète ; pour vous seuls la nature est une marâtre, non point une mère. C’est la libéralité des brutes qui vous donne la nourriture et le vêtement, et qui supplée ainsi à votre indigence de toutes choses : les brebis vous donnent leur laine, les, chèvres ; les bœufs et les autres animaux sans raison vous procurent les aliments dont vous avez besoin ou vous offrent avec joie leur travail et leurs sueurs. Ce n’est point une servitude qu’ils remplissent à votre égard, c’est un bienfait qu’ils vous octroient ; et si vous prétendez arguer de ce fait que vous les nourrissez, que vous les gardez, que vous éloignez d’eux les bêtes fauves, que vous leur procurez soit des pâturages, soit des étables ; je vous répondrai encore que vous ne pouvez vous dire leurs maîtres, puisque, sans le service de votre, or, vous ne pourriez acquérir le droit de vous servir d’eux.

4. Dieu porta ensuite remède à ces maux et vous consacra à lui d’une manière particulière ; mais, à tant de bonté vous ne répondîtes que par votre ingratitude, et vous perdîtes ce second bienfait. Dieu avait fait pleuvoir du ciel pour vous une manne capable de satisfaire tous les désirs et tous les goûts ; toutes les fois que vous aviez eu à souffrir de la soif, il vous avait donné une eau jaillissant spontanément des rochers et vous dispensant ainsi d’ouvrir le sein de la terre pour y chercher des sources ou pour y creuser des puits ; il vous avait donné une terre où coulait le lait et le miel, et où vous n’aviez besoin de pressurer ni les rayons formés par les abeilles, ni les mamelles des animaux ; il vous avait donné des raisins produits par des ceps non cultivés et tels que deux hommes pouvaient avec peine en porter un sur leurs épaules à l’aide d’une perche. Vous nous avez envié tant de bonheur, à nous, votre postérité : car nous aurions pu, nous aussi, participer à ces biens, si, par vos crimes et par vos sacrilèges, vous n’aviez mis obstacle à l’exercice de la sainte puissance de Dieu. Et maintenant, puisque nos ancêtres ont eu le malheur de s’avilir et de se dégrader ; s’il vous reste une lueur de sagesse, un sentiment quelconque de pudeur, songez du moins qu’un sage repentir a succédé à leur faute, et croyez au Fils de Dieu. Puisse cette foi vous aider à obtenir la vie et le salut !

DEUXIÈME SERMON. DU PREMIER HOMME.

ANALYSE. —1. L’homme avait reçu de Dieu les instructions et tout ce dont il avait besoin pour résister au démon ; mais il céda aux sollicitations de la femme et succomba ainsi à la tentation. —2. Tristes effets de cette chute de nos premiers parents. —3. Énormité du péché d’Adam et suites déplorables de ce péché. —4. Dieu, après avoir obtenu de l’homme qu’il rougît et confessât son péché, se dispose à lui accorder son pardon : nécessité de l’humilité et de la componction extérieures. —5. Le pécheur qui retombe après un premier pardon, se rend bien plus coupable qu’Adam, puisqu’il abuse du bienfait de la rédemption. —6. Nous devons rendre à Dieu des actions de grâces sans fin pour tant et de si grands bienfaits. —7. Cette reconnaissance doit se manifester surtout par des actes, par l’imitation du Christ, qui conduit au ciel ceux qui le suivent.—8. Conclusion.

1. Personne n’ignore que l’homme avait été primitivement formé par Dieu pour être une créature éclairée des lumières de la prudence et de la sagesse ; l’usage de la raison devait être un des bienfaits de la divine providence à son égard ; la prudence, dis-je, devait le rendre capable d’échapper aux pièges de son ennemi ; la sagesse devait lui apprendre quels mystères devaient être l’objet de ses investigations ; la raison devait lui faire comprendre que la soumission aux ordres du Dieu créateur était le premier de ses devoirs. En effet, le Seigneur Dieu donna à l’homme, dès que celui-ci fut sorti de ses