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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/654

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pas trouvé de quoi répondre ! A Dieu ne plaise que l’impiété aveugle ait pu empêcher le soleil de justice d’éclairer le monde ! « Jésus donc, se baissant, écrivait avec son doigt sur la terre[1] ». L’inclinaison de Jésus était l’emblème de l’humilité ; le doigt, facile à plier à cause des articulations dont il se compose, symbolisait la subtilité du discernement. Enfin, la terre était la figure du cœur humain, qui peut être indifféremment le principe de bonnes ou, de mauvaises actions. On demande donc au Sauveur de porter son jugement sur le compte de la pécheresse : il ne se prononce pas immédiatement, mais, avant de le faire, « il se baisse et il écrit avec son doigt sur la terre », puis il acquiesce à l’instante demande des accusateurs, et dit ce qu’il pense. Par là il nous donne un modèle de conduite, pour le cas où nous verrions le prochain faire quelques écarts : avant de le juger et de porter contre lui une sentence de condamnation, descendons humblement dans notre propre conscience, puis, avec le doigt du discernement, débrouillons l’écheveau de nos œuvres, et par un examen attentif faisons la part de ce qui plaît à Dieu et la part de ce qui lui déplaît : c’est le conseil que nous donne l’Apôtre : « Mes frères », dit-il, « si quelqu’un est tombé par surprise en quelque péché, vous autres, qui êtes spirituels, ayez soin de le relever dans un esprit de douceur, chacun de vous réfléchissant sur soi-même et craignant d’être tenté comme lui[2] ».

3. « Et comme ils continuaient à l’interroger, il se releva et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché jette contre elle la première pierre[3] ». De là et de là les scribes et les pharisiens tendaient au Sauveur des lacets et des pièges, supposant que, dans ses décisions, il se montrerait dur ou infidèle à la loi ; mais il voyait leurs malices, déchirait leurs filets aussi facilement qu’une toile d’araignée, et ne cessait de se montrer aussi juste que bon et miséricordieux dans ses jugements ; aussi cette parole du Psalmiste, que nous avons citée, trouvait-elle en lui son parfait accomplissement : « Ils ont été brisés et ne se sont point repentis[4] ». Ils ont été brisés, afin qu’ils ne pussent enserrer le Sauveur dans les mailles de leurs fils, et ils ne se sont point convertis, pour pratiquer, à son exemple, les œuvres de miséricorde. Veux-tu apprendre comment la bonté du Christ a tempéré la rigueur de la loi ? Le voici : « Que celui de vous qui est sans péché ». Veux-tu aussi connaître l’équité de son jugement ? « Jette contre elle la première pierre ». Si, dit-il, Moïse nous a commandé de lapider la femme adultère, ce n’est pas à des pécheurs, mais à des justes, qu’il appartient d’exécuter ses ordres. Commencez d’abord vous-mêmes par accomplir la loi : alors, bâtez-vous de lapider la coupable, parce que vos mains sont innocentes et que votre cœur est pur. Accomplissez d’abord les prescriptions spirituelles de la loi ; ayez la foi, pratiquez la miséricorde, respectez la vérité ; alors vous aurez le droit de juger des choses charnelles. Après avoir prononcé son jugement, le Sauveur « se baissa de nouveau, et il écrivit sur la terre[5] ». Ne pourrait-on pas expliquer ce mouvement d’après ce qui a lieu d’ordinaire dans le monde ? En présence de ces tentateurs de mauvaise foi, ne s’est-il point baissé, n’a-t-il pas voulu écrire sur la terre et regarder d’un autre côté, pour laisser libres de partir des hommes que sa réponse écrasante disposait plutôt à s’éloigner bien vite qu’à le questionner davantage ?

4. Enfin, « en entendant ces paroles, ils « s’en allèrent l’un après l’autre, les vieillards « les premiers[6] ». Avant de porter son jugement, et après l’avoir porté, le Sauveur s’est baissé et il a écrit sur la terre ; c’était là, nous avertir, en figure, de commencer par reprendre notre prochain, quand il manque à ses devoirs, puis, après, avoir exercé envers lui le ministère de correction fraternelle, de nous examiner nous-mêmes humblement et avec soin ; car il pourrait se faire que nous soyons personnellement coupables des fautes que nous reprochons à eux ou à tous autres. Voici, en effet, ce qui arrive souvent : on condamne, par exemple, un meurtrier public, et l’on ne remarque pas qu’on a soi-même le cœur gâté par les sentiments d’une haine plus coupable. Ceux qui accusent les fornicateurs lie font pas attention à la peste de l’orgueil hautain que leur suggère l’idée de leur chasteté. On blâme les ivrognes, et l’on n’ouvre pas les yeux sur l’envie dont on se trouve rongé. En des circonstances si dangereuses, quel remède employer ? comment nous préserver du mal ? Le voici : Quand nous en voyons un autre tomber dans le

  1. Jn. 8, 6
  2. Gal. 6, 1
  3. Jn. 8, 7
  4. Psa. 34, 16
  5. Jean 8, 8
  6. Id. 9