Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/664

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dire, en d’autres termes : Ce jour-là, le Saint-Esprit viendra en vous, et il vous apprendra que « mon Père et moi nous sommes un[1] ». Alors « vous demanderez en mon nom », parce que vous saurez que je suis égal au Père, et vous croirez que je puis vous exaucer en tout, conjointement avec le Père. À ces paroles : « Vous demanderez en mon nom », on peut encore donner un autre sens ; le voici : Lorsque le Saint-Esprit sera descendu en vous et qu’il vous aura appris à mépriser complètement les choses d’ici-bas, alors vous comprendrez qu’il vous faut demander uniquement ce qui a trait au salut de vos âmes.

9. Et comme, en se faisant homme, il n’a pas cessé d’être un Dieu parfait, le Christ ajoute avec raison : « Et je ne dis pas que je prierai mon Père pour vous » ; car, parce qu’il est homme, il dit à ses Apôtres dans un autre endroit de l’Évangile, qu’il a prié son Père en leur faveur : « Père saint, conservez, pour votre nom, ceux que vous m’avez donnés ». Et encore : « Père, lorsque j’étais avec eux, je les conservais pour votre nom ; maintenant, je vous prie pour eux et non pour le monde : je ne vous prie point de les retirer du monde, mais de les préserver du mal[2] ». Ailleurs il dit à Pierre : « J’ai prié mon Père pour toi, afin que ta foi ne défaille pas[3] ». Il dit maintenant qu’il ne priera pas son Père en faveur de ses disciples, parce qu’il partage avec lui la toute-puissance de la divinité. C’est donc en tant qu’homme qu’il prie son Père, puisqu’en tant que Dieu il accorde, conjointement avec lui, tout ce qu’on lui demande. En disant : « Et je ne vous dis pas que je prierai mon Père pour vous[4] », il montre évidemment encore qu’au sein de la vie éternelle les élus jouiront d’un tel bonheur qu’ils n’auront plus besoin même de prières ; car ils seront comblés d’une joie sans fin, suivant cette promesse faite au nom du Seigneur par le prophète Isaïe : « En ces jours-là et en ce temps-là, nul n’instruira plus ni son prochain ni son frère, disant : « Connais le Seigneur, car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, dit le Seigneur[5] ». Aussi le Sauveur n’a-t-il pas dit au présent : Je prie, mais au futur : Je prierai.

10. « Car mon Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé et que vous avez cru que je suis sorti de Dieu[6] ». Ces paroles ne doivent pas s’entendre en ce sens que ses disciples aient été les premiers à l’aimer, et que, par conséquent, ils aient mérité par eux-mêmes d’être aimés du Père ; en effet, le Père les a aimés le premier, et ç’a été de sa part un don tout gratuit qu’ils aient été capables d’aimer le Fils et de croire en lui. 2 a dit d’eux par l’organe du Prophète : « Je les aimerai spontanément[7] » ; et dans l’Évangile : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis[8] ». Voilà pourquoi l’apôtre Jacques a prononcé ces paroles : « Il nous a volontairement engendrés par la parole de la vérité[9] ». La grâce subséquente, qui aide l’homme à pouvoir faire le bien, est d’abord antécédente à son égard, c’est-à-dire qu’elle lui inspire la volonté de bien agir. Si, en effet, la grâce de Dieu ne prévenait la volonté humaine, pour la porter au bien, le Psalmiste ne dirait pas : « En vous, Seigneur, je conserverai ma force ; vous êtes mon asile ; Dieu m’a prévenu de sa miséricorde[10] ». Et si la même grâce ne venait point ensuite pour l’aider à bien faire, le même Psalmiste ne dirait pas non plus « Et votre miséricorde me suivra pas à pas tous les jours de ma vie[11] ».

11. « Je suis sorti de mon Père, et je suis venu dans le monde ; je quitte de nouveau le monde, et je vais à mon Père[12] ». Dans ce verset, Notre-Seigneur a clairement établi l’existence de ses deux natures, c’est-à-dire de sa nature divine et de sa nature humaine. Et c’était à propos ; car, bien qu’il fût Dieu, les hommes ne pouvaient néanmoins apercevoir sa nature divine. « Il est sorti de son Père, et il est venu dans le monde » parce qu’il voulait se faire voir sous la forme d’esclave et qu’il s’est rendu visible aux yeux du monde. Aussi l’Apôtre a-t-il dit : « Ayant la nature de Dieu, il n’a pas cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ; il s’est cependant anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et en se faisant reconnaître pour homme par tout ce qui a paru de lui[13] ». Il a de nouveau quitté

  1. Jn. 10, 30
  2. Id. 16, 26
  3. Id. 17, 11
  4. Id. 12-15
  5. Jer. 31, 34
  6. Jn. 16, 27
  7. Ose. 14, 5
  8. Jn. 15, 16
  9. Jac. 1, 18
  10. Psa. 58, 10-11
  11. Id. 22, 6
  12. Jn. 16, 28
  13. Phi. 2, 6,7