Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/676

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peux l’apercevoir quand il commande aux vents et qu’il marche à pieds secs sur les flots ? Tu le vois fatigué par la marche, et tu ne vois pas qu’il met fin aux fatigues des hommes ? Tu le vois assis sur le puits, ressentant la soif et demandant à boire, et tu ne prends pas la peine de remarquer la source d’eau vive qui s’échappe de lui ? Il est pauvre, il n’a à sa disposition que quelques pains ; aussi, le regardes-tu d’un œil de pitié, et tu n’aperçois pas en lui le Dieu riche qui rassasie tant de milliers d’hommes avec de si minces provisions ? Tu te moques de lui, quand tu le vois aller au tombeau de Lazare et pleurer la mort de son ami, et tu ne le reconnais pas comme Dieu à le voir ressusciter celui qu’il pleurait tout à l’heure ? Judas vend l’homme, tu le remarques : le Dieu rachète l’univers, et tu n’y prêtes pas attention ? Si le Christ est retenu captif entre les mains des hommes, tu ouvres les yeux ; et tu les fermes obstinément quand il délivre les hommes de l’esclavage du démon ? Tu ne vois que le Fils de l’homme dans les chaînes, et tu méconnais le Fils de Dieu qui brise les chaînes du genre humain ? Puisque tu contemples le Fils de l’homme lorsqu’il est bafoué ; pourquoi ne pas contempler le Fils de Dieu, lorsqu’il arrache les âmes humaines aux moqueries des démons ? Tu vois bien le bois de la croix ; pourquoi ne pas voir aussi l’arbre de la prévarication remplacé par celui de la passion ? Tu as pleuré, au sépulcre, sur son corps inanimé ; pourquoi ne pas te réjouir en voyant le Dieu', ressusciter et remonter dans les cieux ? Puisque tu remarques en lui toutes les apparences de l’esclavage ; pourquoi refuser d’y voir la nature divine ?

3. Nous n’adorons qu’un seul Dieu, mais nous reconnaissons trois personnes unies dans une même Divinité : Un Père qui n’a pas été engendré, un Fils unique engendré du Père, et un Saint-Esprit, qui procède du Père. Nous lisons cela dans l’Évangile. Aussi n’est-ce pas aux noms, mais « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit[1] », que nous sommes consacrés ; par le baptême, que nous acquérons le glorieux titre d’enfant de Dieu, et, que parla grâce, Dieu devient notre Père : cette grâce, c’est Jésus de Nazareth qui nous l’a méritée par sa naissance et en vertu de sa glorieuse origine ; car, s’il est homme et s’il est né d’une Vierge, il est aussi Fils de Dieu ; et s’il a été enfanté sur la terre par une femme, le Père l’avait auparavant engendré dans le ciel. Il en est donc de la Divinité en trois personnes comme d’une source de sagesse, d’où s’échappent à la fois le son, la parole et la raison de la parole, ou comme du lit d’une rivière où se trouvent l’eau qui coule, son goût, et sa fraîcheur ; ce sont là autant de choses personnellement distinctes et bien tranchées, et néanmoins elles ne forment qu’une seule et même substance qu’on ne peut ni partager ni diviser, dans laquelle ne se rencontre ni plus grand ni plus petit.


4. Tenons-nous-en donc à cette règle de foi catholique : Dans l’ordre des. personnes, tu ne dois en voir ni une plus grande, ni une moindre, et, en toutes, nous devons reconnaître une seule et même nature divine. Dieu, en effet, est toujours le même, et il demeure immuablement Dieu ; donc, dans l’ordre des personnes, il n’y eu a pas d’inférieure aux autres, et la première n’est ni plus grande ni plus ancienne que les autres : elles puisent toutes en elles-mêmes le principe de leur existence, et le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Mat. 28, 19.