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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/684

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conçu, et, d’après la loi de la nature, elle a enfanté.

3. Aujourd’hui donc, Notre-Seigneur Jésus-Christ est né selon, la chair, mais non selon la divinité ; car « au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et, sans lui, rien n’a été fait[1] ». Il est venu en ce monde, pour que les hommes fussent à même de le contempler des yeux de leur corps, puisqu’ils ne pouvaient l’apercevoir des yeux de leur cœur. O homme ! ne te montre pas ingrat. Tu vois devant toi celui-là même. qui t’a créé à son image et à sa ressemblance. C’est à son sujet que le Psalmiste adressait aux hommes ce reproche : « Enfants des hommes, jusques à quand votre cœur restera-t-il appesanti ? Pourquoi poursuivez-vous la vanité et embrassez-vous le mensonge ? Sachez que le Seigneur a fait de son Christ l’objet de notre admiration[2] ». C’est le Fils de Dieu, c’est son Verbe, c’est l’arbitre et le maître de tous ses secrets ; car le Père lui a dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance[3] ». Il a disposé toutes choses et les a conduites à leur fin, et il est parfois impossible de connaître ce qu’on a dans le cœur, sans la lumière de la parole, selon ce qui est écrit : « Une bonne parole s’est échappée de mon cœur ». Aussi le Prophète annonce-t-il quelle a dû être dans Marie la chaste union de son cœur avec le Verbe c’est l’indissoluble lien de la charité. Car les intentions et les pensées qui naissent dans le cœur ne peuvent se laisser entrevoir qu’à l’aide d’une sorte de maître spirituel, c’est-à-dire d’une parole qui leur soit assortie ; d’autre part, que pourra dire la parole, si la sagesse, auteur de toutes choses, ne vient préalablement, dans le secret du cœur, suggérer des idées ? Rien, absolument rien. « Une bonne parole », dit le Prophète, « s’est échappée de mon cœur ». Où était cette parole ? dans le cœur. D’où s’est-elle échappée ? du cœur. Qu’est-ce que la parole ? le miroir du cœur. Il faut qu’il soit laid ou beau, et, par conséquent, digne de blâme ou de louange., C’est lui qui nous fait « bénir Dieu et maudire l’homme, qui a ôté créé à l’image et à la ressemblance de Dieu[4] ». « L’homme bon », dit l’Évangile, « tire de bonnes choses d’un bon trésor, et l’homme mauvais tire de mauvaises choses d’un mauvais trésor[5] ».

4. Voilà en quoi consistent la laideur du cœur, et aussi sa beauté. Place-toi du côté où brillent les rayons du soleil, où se trouve le Dieu de charité. Je ne veux. point que tu te complaises dans les agréments extérieurs dont la nature peut t’avoir doué. Que, sur ton visage, de vives couleurs se marient à la blancheur du teint, que la beauté de ta figure se trouve rehaussée par celle de tes yeux et que l’élégance de tes formes mette le comble à ta perfection, tu ne seras jamais qu’un être hi. deux, et tu seras toujours noté comme tel, si tu ne cherches point Dieu dans la simplicité de ton cœur. L’homme voit le visage, Dieu voit le cœur. Cherche donc à briller là où le Christ a bien voulu établir sa demeure. C’est pourquoi l’apôtre Paul a dit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Or, si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ; car le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple[6] ». « Une bonne parole s’est échappée de mon cœur ». Et quelle est cette parole ? C’est ce chaste époux, fruit de la chasteté, qui doit sortir d’une chaste couche et conserver à une vierge sa chasteté. Il est sorti de son lit, il s’est approché de l’Ange, et par l’entremise de l’Ange, qui a parlé en son nom, il a communiqué à la vierge le don de chasteté. Nous trouvons donc ici un père chaste, un époux chaste, une mère chaste, un fils chaste et une chaste union contractée sous les auspices et par l’opération du Saint-Esprit. Par sa foi, Marie a donc mérité de rester ce qu’elle était auparavant ; le Seigneur lui a conservé ce privilège, même quand elle a conçu, et, à l’heure de l’enfantement, elle n’en a rien perdu : elle est restée vierge après la naissance du Sauveur ; car Celui qui règne avec le Père, dans les siècles des siècles, a donné à sa Mère le privilège de la fécondité quand elle l’a conçu, et ne lui a point enlevé la gloire de la virginité, quand il est né d’elle et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

  1. Jn. 1,3.
  2. Psa. 4, 3-4
  3. Gen. 1, 26.
  4. Jac. 3, 9.
  5. Mat. 12, 35
  6. 1Co. 3, 16-17