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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/687

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VINGT-HUITIÈME SERMON. POUR LA NAISSANCE DU SAUVEUR. VIII

ANALYSE. —1. Parallèle entre Eve et Marie. —2. La salutation angélique et l’obéissance de Marie. —3. Infinie bonté du Christ à notre égard.

1. Témoins des désirs qui animent votre dévotion, nous voulons vous découvrir le saint mystère de ce jour ; car si vous apprenez de notre bouche à bien connaître la secrète portée de la naissance du Christ, nous aurons pleinement satisfait des aspirations enrichies des perles de la foi. Aujourd’hui le Roi des anges a pris naissance au milieu des pécheurs, afin de leur accorder la condamnation de leurs fautes. « Que les cieux se réjouissent ! que la a terre tressaille d’allégresse[1] ! » car le véritable architecte est descendu des cieux pour relever le monde de ses ruines, et afin que, par Marie, fût réparé ce qu’Eve avait si malheureusement détruit. Autrefois une femme avait perdu l’univers, et voilà que Marie porte le ciel dans son sein : la première femme a goûté du fruit de l’arbre, elle en a donné à son époux, elle a introduit la mort ici-bas pour Marie, elle a mérité d’engendrer le Sauveur.

2. Vous le savez ; l’ange Gabriel s’approcha de la pudique Vierge de Nazareth et lui dit je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes « les femmes[2] » ; car votre sein est devenu la demeure du Fils de Dieu. Marie se troubla à la vue du messager céleste, elle entendit l’annonce du mystère, elle entra en négociation avec l’Ange. « Comment », lui dit-elle, « comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ?[3] » Ce que je vous dis là, je vous le dis d’après la manière dont les choses se passent en ce monde, mais je ne doute nullement de la puissance du Très-Haut. Votre parole me préoccupe, car j’ai résolu de rester vierge ; alors, et puisque je n’ai point de mari, comment pourrai-je engendrer un fils ? – Marie, les choses ne se passeront point comme vous le croyez ; vous n’enfanterez pas à la manière des autres femmes. Vous deviendrez mère, et, pourtant, vous ne perdrez jamais votre innocence ; car vous aurez le bonheur de porter dans vos entrailles la Divinité elle-même. « Le Sainte Esprit descendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, en effet, votre sein est devenu le palais de l’Esprit-Saint.[4] » – Dès qu’elle eut entendu les conditions du céleste traité, elle prêta l’oreille aux propositions divines, et aussitôt elle mérita d’avoir le Seigneur pour habitant de son sein. « Voici », dit-elle, « la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole[5] ». Alors se trouvent occupées par le Très-Haut les entrailles de la Vierge ; la Majesté suprême tout entière se trouve renfermée dans les bornes étroites du corps d’une femme ; alors se forme en elle son fils, son protecteur, son hôte, son gardien. Enfin, arrive le temps de le mettre au monde : Marie donne le jour à son enfant, et néanmoins la porte de sa chasteté demeure close. On voit apparaître le rejeton d’une lignée toute céleste, sans que la pureté de sa mère se trouve souillée de la moindre tache. L’enfantement fut, pour elle, exempt de douleurs et de larmes, parce que son fruit lui était venu du ciel. En ce jour, l’armée des anges s’écrie, dans les transports de la joie : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix aux hommes de bonne volonté sur la terre[6] », parce que le sein d’une vierge est devenu fécond.

3. Remarquez bien, mes frères, de quel

  1. Psa. 95, 11
  2. Luc. 1, 28
  3. Id. 34
  4. Luc. 1, 35
  5. Id. 38.
  6. Id. 2, 14.