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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/713

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QUARANTIÈME SERMON.
POUR L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR.

ANALYSE. —1. Nom de l’Épiphanie et célébration de cette fête après celle de la Nativité du Seigneur. —2. L’eau est changée en vin par la toute-puissance du Christ. —3. Explication du sens mystique de ce changement. —4. Les Mages adorent le Christ et lui offrent des présents tout aussi mystiques. —5. D’après l’opinion de quelques-uns, le Christ a été, à pareil jour, baptisé, pour nous apprendre à puiser une nouvelle vie dans le baptême. —6. Un jour si grand mérite d’être honoré par nous d’une manière spéciale.

1. Nous devons connaître les motifs probables de célébrer cette grande fête. L’Épiphanie, que nous solennisons aujourd’hui, tire son nom d’un mot grec qui signifie, dans notre langue, manifestation ou apparition. Or, ce jour est appelé le jour de la manifestation ou de l’apparition, parce que le Christ, Notre-Seigneur, s’y est fait connaître par des signes évidents. En effet, nos auteurs attestent qu’en ce jour les Mages sont venus, sous la conduite de l’étoile, adorer Notre.- Seigneur Jésus-Christ, et aussi que, dans le pays de Galilée, le Sauveur a changé de l’eau en vin. Après avoir dernièrement célébré le jour où est né le Christ, nous solennisons aujourd’hui celui où il s’est manifesté.

2. Jésus s’est donc fait connaître lorsque, par un prodige admirable autant qu’inouï, il a changé de l’eau en vin. Comme c’est Dieu qui a établi les lois constitutives des êtres, il lui appartient également de les changer aussi, après avoir créé l’eau dans les conditions ordinaires, lui a-t-il donné une autre nature : il avait pu d’abord la tirer du néant ; ne lui était-il pas aussi facile de la changer en une substance différente ? On faisait donc une noce ; pendant le festin, nous dit l’Évangile, le vin fit défaut. Alors le Seigneur ordonna aux serviteurs de mettre de l’eau dans les vases et de les remplir, et quand ils furent remplis, il commanda d’y puiser. Admirable prodige ! Entre les mains, et sous les yeux des serviteurs, la puissance divine agit sans se laisser apercevoir. Le miracle s’accomplit, et néanmoins personne ne voit comment il s’opère. La cause reste inconnue, l’effet seul apparaît. Pourquoi cela ? Évidemment parce que Dieu fait tout ce qu’il veut ; parce qu’en lui pouvoir c’est vouloir. Pourquoi encore ? Le voici : sa puissance est tellement grande que, en face des harmonies de la création, le Prophète a pu dire de lui avec justice:« Il a dit, et toutes choses ont été faites ; il a commandé, et toutes choses ont été créées[1] ». Quelle merveille ! Mais de toutes les œuvres que le Seigneur a placées sous nos yeux, y en a-t-il une seule qui ne soit digne de notre admiration ?

3. Mais cherchons à découvrir, en ce miracle, des enseignements plus élevés ; tâchons de connaître son sens mystique. Que représentaient ces noces à la célébration desquelles assistait le Sauveur ? Elles étaient certainement l’emblème de celles par lesquelles le Christ s’est uni à l’Église ; car, « pareil à un époux qui sort de sa couche nuptiale[2] », il s’est approché, en vertu du contrat d’alliance, de sa fiancée ; et alors il a changé son œuvre : avec de l’eau il a fait du vin, c’est-à-dire qu’avec des Gentils il a fait des fidèles. Il y a donc un changement de l’eau en vin, quand des infidèles deviennent chrétiens, que des avares se font généreux, que des orgueilleux se transforment en hommes humbles, des personnes colères en personnes pleines de douceur, des gens cruels en gens miséricordieux, des adultères en continents. Ainsi donc Jésus change de l’eau en vin, quand, par sa divine opération, un homme que son infidélité rendait

  1. Psa. 32, 9
  2. Psa. 18, 6