Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/723

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à l’homme l’entrée du paradis, fermée par nos fautes. Les cieux s’ouvrent, sans qu’il y ait scission dans les éléments, sans qu’on aperçoive la moindre déchirure, la plus petite anfractuosité dans les airs, ou que Dieu ait besoin d’en soutenir les parois… Cependant l’œil spirituel peut apercevoir ce que1'œil charnel ne saurait découvrir. Rempli de l’Esprit-Saint, Ézéchiel assure que les cieux se sont ouverts devant lui, et qu’il y a lu la mystérieuse signification des quatre animaux. De même en a-t-il été de saint Étienne, au moment où il a rendu un si beau témoignage à Jésus-Christ. Plein de l’Esprit-Saint, et portant ses regards vers le ciel, il a vu la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu, et il a dit : « Je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu[1] ». Il a donc vu les cieux ouverts, celui qui prophétisait en l’Esprit ; il a vu les cieux ouverts, celui qui confessait si ouvertement le Christ : « Et j’ai vu », dit le Précurseur, « l’Esprit de Dieu descendant du ciel comme une colombe et venant sur lui[2] », c’est-à-dire sur Notre-Seigneur Jésus-Christ. Rien d’étonnant à ce que Jean ait vu venir le Saint-Esprit, puisque, avant de naître, il a tressailli dans le sein d’Élisabeth, en présence de la mère du Sauveur, et que, dans le désert, il a ainsi annoncé le Christ : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers[3] ». Mais, dira peut-être quelqu’un, comment a-t-on pu voir l’Esprit de Dieu, puisqu’il est invisible, incompréhensible et répandu dans tous les éléments, un Esprit qui est évidemment Dieu ? Le Sauveur ne dit-il pas dans l’Évangile que « Dieu est esprit ?[4] » Ce qui voit l’esprit de Dieu, c’est le cœur pur, c’est toute intelligence dont l’Esprit-Saint daigne s’approcher. Par la toute-puissance de sa divinité, et selon son bon plaisir, il pénètre dans ce cœur, dans cette intelligence ; il s’y rend visible. « L’Esprit de Dieu souffle où il veut[5] » : il gouverne toutes choses, sans être gouverné par aucune ; le monde entier reçoit la vie de cette âme éternelle, qui donne la connaissance du ciel et la refuse, qui a développé l’étendue des mers, qui couvre toute la terre et qui, pénétrant dans le vaste corps du monde, communique libéralement la vie à toutes les semences. Car telle est la nature de la Divinité, que, partout où tu remarques le mouvement et la vie, tu dois y voir l’action de l’Esprit de Dieu.

4. Dans le baptême du Sauveur se manifestent, d’une part, le dessein secret et difficile à saisir du Saint-Esprit, et, d’autre part, le mystère tout entier de la Trinité. L’Esprit de Dieu connaissait le Verbe, et il l’avait vu se revêtir de notre humanité. Pour montrer aux hommes que sa puissance est égale à celle du Fils de Dieu, il prend donc la forme d’une colombe, bien qu’il soit d’une nature subtile et simple, que la sainteté lui appartienne en propre, et qu’il se trouve à l’abri de toute investigation. Et, pour que la Trinité apparaisse dans son entier, le Père, que personne n’a jamais vu, si ce n’est le Fils unique[6], se fait entendre et fait connaître, par son propre témoignage, le Christ que l’Esprit-Saint désigne déjà. Voici ses paroles : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances[7] ». Admirable mystère de la puissance divine ! Que les voies de l’Esprit de Dieu sont impénétrables ! Il s’est revêtu des dehors d’un oiseau inoffensif ; puis il est descendu du haut des cieux sur Jésus-Christ, immédiatement après son baptême ; ainsi nous a-t-il montré que l’infusion du Saint-Esprit se fait dans l’âme au moment du baptême ; ainsi encore a-t-il réfuté d’avance l’erreur méchante qui consisterait à dire que les paroles de Dieu le Père s’adressaient à Jean, et non à Dieu le Fils.

5. Ici, mes frères, il convient de tourner toute notre indignation contre les impies, et d’en finir avec la mauvaise foi des Juifs, qui ne croient point à la venue du Messie, quand le ciel lui-même lui rend témoignage, qui refusent de reconnaître comme Dieu celui que le Père déclare être son Fils. Aussi, mes très-chers frères, réunissons-nous dans un même sentiment de foi, et soyons tous assez fermes pour confesser Dieu le Père, et son Fils Jésus, et le Saint-Esprit, et reconnaître, en même temps, qu’ils ne forment à eux trois qu’une seule et même substance. Quant à vous, frères bien-aimés, à qui nous procurons le bonheur d’entendre les leçons de l’Apôtre, hâtez-vous de recevoir aussi le baptême. Que rien, en lui, ne vous paraisse abject ; que rien, en lui, ne vous semble méprisable. Le

  1. Act. 7, 38
  2. Mat. 3, 16
  3. Id.3
  4. Jn. 2, 24
  5. Id. 3
  6. Jn. 1,18
  7. Mat. 3, 17