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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/731

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nous nous sommes grandement écartés de toute relation pacifique avec lui. Mais le Fils de Dieu s’est fait homme ; il est né d’une Vierge sans que la moindre atteinte fût portée à l’intégrité de Marie ; il a pris la forme d’esclave sans subir l’esclavage ; il est entré en participation de notre nature sans partager nos fautes : et ainsi nous a-t-il réconciliés avec Dieu son Père ; ainsi nous a-t-il rendu la paix que nous avait fait perdre le péché d’Adam : c’est par les mérites de son sang qu’il a opéré cette restauration de nous-mêmes, « pacifiant, par le sang de la croix, la terre et les cieux[1], apportant la paix à ceux qui étaient rapprochés et à ceux qui étaient éloignés[2] ». C’est pourquoi, en venant vers nous, il nous a apporté la paix, et nous l’a encore laissée en nous quittant. En effet, à l’heure même où notre Rédempteur venait au monde, des légions d’anges ont chanté ce cantique : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix, sur la terre, aux hommes de bonne volonté[3] ». Puis, quand il fut sur le point de remonter au ciel, au moment où il apprenait à l’Église universelle à « conserver l’unité d’un même esprit par le lien de la paix[4] », il donna à ses disciples l’ordre de garder la charité et la paix : « Je vous donne ma paix », leur dit-il ; « je vous laisse ma paix[5] ». Voilà comment Salomon a préfiguré le Sauveur par sa dignité et son nom ; voyons maintenant comment il en a été la figure par le lieu de sa résidence : prêtez-moi toute votre attention. Salomon n’a régné ni à Babylone, comme Nabuchodonosor, ni en Égypte, comme Pharaon : l’honneur et la gloire de régner sur le peuple d’Israël lui ont suffi. Notre vrai Salomon, Notre-Seigneur Jésus-Christ, n’a pas davantage exercé le pouvoir royal à Babylone, la ville de la confusion, où le langage de toutes les régions de la terre s’est trouvé confondu ; mais il a régné « sur la cité de notre Dieu et sur sa montagne sainte[6] ». Il n’a pas, non plus, été roi en Égypte, c’est-à-dire dans le pays des ténèbres, du péché et de la mort ; mais il a établi le siège inexpugnable de sa puissance dans la cité royale, dans Jérusalem ; car Jérusalem signifie : vision de la paix. Et notre Rédempteur exerce sa royauté, prend son repos et demeure au milieu de ceux qui méprisent les choses de la terre, qui dédaignent les choses transitoires et caduques de ce monde, qui se hâtent, par toutes les puissances de leur âme, de mériter la vision de la paix éternelle, et qui disent avec l’Apôtre : « Nous vivons déjà dans le ciel[7] ». Voilà pourquoi, au milieu de ses allées et venues parmi les hommes, le Sauveur retournait toujours de préférence à Jérusalem et dans le temple de son Père.

4. Aussi, quand approcha l’heure de sa passion et qu’il fut venu à Bethphagé, près de la montagne des Olives, il trouva, sur son chemin, une foule immense de Juifs et de Gentils : ces hommes portaient à leur main des bouquets, des fleurs et des branches d’olivier, symboles de son triomphe et de sa gloire à venir, et ils le reçurent avec tous les témoignages possibles d’honneur et de dévouement[8] : pour lui, afin de nous donner l’exemple de la patience et de l’humilité, il oublia la grandeur qu’il puise dans son égalité et sa ressemblance parfaites avec le Père, il s’assit sur le dos d’un vil ânon, et il entra ainsi plus que modestement, mais, par là même, avec gloire dans Jérusalem. O l’étonnante charité ! Merveilleuse bonté de notre Dieu ! Le Créateur de l’univers a daigné s’asseoir sur un ânon ! Il est assis sur un ânon, Celui qui tient le monde entier dans le creux de sa main, et c’est pour nous élever jusqu’au troisième ciel ! Que, pour s’environner ici-bas de prestige et de gloire, les rois et les princes de la terre montent sur des chars d’or, sur des chevaux richement caparaçonnés et couverts d’or, de soie et de pierres précieuses : notre Roi, lui, va livrer bataille au démon ; mais ses armes sont celles de l’humilité, sa monture de combat est un ânon. « Ceux-ci sur des chars, ceux-là sur des chevaux[9] ». Nous, nous triomphons avec notre Roi sur un humble ânon. C’est pourquoi le Prophète a dit de lui : « Dites à la fille de Sion : Voici que ton Roi vient à toi plein de douceur et assis sur le petit d’une ânesse[10] ».

5. Le Saint-Esprit nous invite donc à considérer ce Salomon si humble, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui « porte sur sa tête le diadème dont sa mère l’a couronné[11] ». Il a été couronné, non-seulement par sa mère, mais encore par son Père et par sa marâtre.

  1. Col. 1, 20
  2. Eph. 2, 17
  3. Luc. 2, 14
  4. Eph. 4, 3
  5. Jn. 14, 27
  6. Psa. 47, 2
  7. Phi. 3, 20
  8. Mat. 21, 1 et suiv.
  9. Psa. 19, 8
  10. Mat. 21, 5
  11. Can. 3, 11