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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/748

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effet : « Vous êtes le Christ, fils du Dieu vivant ?[1] » N’avait-il pas d’ailleurs donné à Jésus des preuves évidentes de son affection ? C’est précisément pour cela qu’il lui avait promis de le suivre jusqu’à la mort. Ici donc le Christ veut s’assurer de l’amitié dont son apôtre lui a déjà fourni des témoignages en grand nombre. Ce n’est pas sans raison que Jésus fait ses trois questions sur l’amour de Pierre à son égard ; ce n’est pas, non plus, sans cause que Pierre y répond par une triple protestation d’amour. Ce n’est ni pour savoir, ni parce qu’il ne sait pas, que le Sauveur réitère ainsi ses questions ; car rien n’est caché pour la sagesse divine, puisqu’elle a dit : « Avant de te former, je t’ai connu[2] ». L’Apôtre a lui-même écrit : « Ceux qu’il a connus dans sa prescience, il les a prédestinés ; ceux qu’il a prédestinés, il les a appelés, et ceux qu’il a appelés, il les a justifiés[3] ». C’est donc chose étonnante qu’il ait voulu avoir de Pierre une protestation verbale d’amour, quand il savait parfaitement que penser de ses sentiments intérieurs.

3. Il est sûr que le Christ n’a pas adressé cette triple question à son Apôtre pour la satisfaction de son amour-propre. Mais comme Pierre avait répondu à une première demande de Jésus par un triple reniement et s’était ainsi lié par un triple nœud, il était juste qu’après sa résurrection le Christ l’interrogeât trois fois et que Pierre proclamât par une triple confession ce qu’il avait nié trois fois au moment de la Passion. Il était juste qu’après d’être lié par une triple perfidie, il se déliât par un pareil nombre de professions d’amour. Le Sauveur avait dit : « Celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai devant mon Père, qui est dans les cieux[4] ». Il a donc voulu que l’apôtre Pierre se corrigeât en confessant son divin nom, afin de pouvoir lui-même le confesser devant son Père et en présence de ses anges.

SOIXANTIÈME SERMON.
POUR LE LENDEMAIN DE PÂQUES.

ANALYSE. —1. Les contradictions entre les évangélistes ne sont qu’apparentes. —2. Combien imparfaite était la foi des Apôtres. —3. Doutes des disciples d’Emmaüs opposés à la profession de foi de Pierre. —4. Foi vive du larron qui reconnaît le Christ en le voyant mourir. —5. Douleurs du Christ parvenu à l’âge de maturité : elles servent à expier les fautes de tous ses membres. —6. Le larron est le premier qui ait reçu la promesse d’entrer au Paradis. —7. Pourquoi cette grâce de choix lui a-t-elle été accordée?— 8. Conclusion.

1. Mes frères, votre charité ne l’ignore nullement : pendant les jours de la sainte fête de Pâques, on fait lecture solennelle du récit, selon tous les évangélistes, de la résurrection du Sauveur : ils ont, en effet, écrit cette histoire de telle manière que, parfois, ils racontent les mêmes faits, et que, parfois aussi, les uns omettent ce que disent les autres ; aucun d’eux, pourtant, ne se met en opposition avec la réalité des événements. Ils sont unanimes à rapporter que Jésus a été crucifié et enseveli, qu’il est ressuscité le troisième jour ; quant à la manière dont il a apparu à ses disciples, comme ses apparitions ont eu lieu bien des fois, ils ne s’accordent plus : ce que l’un omet, l’autre en fait mention ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est que le récit de chacun d’eux est conforme à la vérité.

2. Si vous vous en souvenez, pendant la nuit de la vigile de Pâques on nous a lu que le Sauveur apparut aux femmes après sa résurrection ; il les salua le premier par ces paroles : « Je vous salue. Or, elles s’approchèrent de lui et embrassèrent ses pieds et l’adorèrent[5] ».

  1. Mat. 16, 16
  2. Jer. 1, 8
  3. Rom. 8, 29-30
  4. Mat. 10, 22
  5. Mat. 28,9