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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/753

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SOIXANTE ET UNIÈME SERMON.
POUR LES JOURS D’APRÈS PÂQUES.

ANALYSE. —1. Entre saint Jean et saint Luc il n’y a aucune discordance par rapport à l’absence de Thomas. —2. Les doutes de Thomas ne font que confirmer notre foi. —3. Pourquoi le Christ a conservé la marque de ses plaies ? —4. Les choses qu’on ne voit passant l’objet de la foi. —5. Conclusion.

1. Thomas, l’un des douze, etc[1]. Ici se présente une difficulté : Pourquoi l’évangéliste Jean dit-il que Thomas n’était pas avec les autres disciples, le jour de la résurrection, quand le Seigneur leur apparut, tandis que, au rapport de Luc, les deux disciples de Jésus, en venant du bourg nommé Emmaüs, « trouvèrent les onze Apôtres assemblés, avec ceux qui les suivaient et les saintes femmes ? Tous disaient : Le Seigneur est véritablement ressuscité, et il a apparu à Simon. Et eux racontaient ce qui leur était arrivé en chemin, et comme ils l’avaient reconnu à la fraction du pain. Pendant qu’ils s’entretenaient ainsi, Jésus parut au milieu d’eux[2] ». Cette difficulté peut se résoudre ainsi : Quand ces deux disciples revinrent et trouvèrent les autres qui disaient : « Le Seigneur est ressuscité, et il apparu à Simon », au moment où ils racontaient ce qui leur était arrivé et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain, pendant qu’ils s’entretenaient ainsi, Thomas était peut-être sorti de l’assemblée pour quelque motif impérieux et pressant immédiatement après son départ, le Sauveur aurait apparu au milieu de ses disciples. Voilà pourquoi ceux qui étaient là lui dirent « Nous avons vu le Seigneur » ; et il leur répondit : « Si je ne vois, dans ses mains, la marque des clous, je ne croirai pas[3] ».

2. Il faut donc chercher à savoir pour quel motif le Seigneur a permis qu’un disciple, choisi par lui, élevât des doutes sur la réalité de sa résurrection. Cela n’a pas eu lieu sans raison, mais cela s’est accompli à cause de nous, qui sommes venus à la foi après l’ascension de Jésus-Christ. Les doutes de Thomas nous sont devenus plus utiles que la facilité avec laquelle Marie a cru ; en effet, quand nous lisons, dans le récit de l’Évangéliste, que Thomas n’a reconnu le Christ qu’après l’avoir palpé, il nous est impossible de conserver le moindre doute. Le Sauveur a voulu un disciple qui se montrerait incrédule au sujet de sa résurrection, sans persévérer néanmoins dans son incrédulité, comme il a voulu que sa mère eût un époux terrestre sans, toutefois, en être jamais connue d’une manière charnelle ; dans les deux cas, le motif a été le même : le bienheureux Joseph devait être un incorruptible gardien de la pureté sans tache de Marie, et son témoin fidèle envoyé par le ciel ; Thomas était aussi destiné à affirmer, d’une manière positive, le fait de sa résurrection.

3. « Porte ici ton doigt[4] », c’est-à-dire ; palpe les cicatrices de mes blessures. Les Gentils trouvent en cela une occasion de tourner les chrétiens en ridicule. Si votre Dieu, disent-ils, au lieu de faire disparaître les cicatrices de son corps, les a portées jusque dans le ciel, comme vous le prétendez, n’êtes-vous pas téméraires de croire qu’après votre mort il transformera vos corps ? Voici ce qu’il faut leur répondre : Celui qui a fait plus, suivant ce que nous avons dit, a remis à un autre temps pour faire moins. Le Sauveur a ainsi agi, d’abord, pour éclairer la foi de ses disciples et la nôtre, et nous la rendre salutaire : il a voulu aussi pouvoir, en entrant dans le ciel, montrer à Dieu son Père ce qu’il avait enduré pour nous de tortures, et le provoquer, par là, à se montrer miséricordieux à notre égard. Il en serait de même du soldat qu’un roi enverrait à la bataille pour tuer ses ennemis : supposé que ce soldat

  1. Jn. 20, 34
  2. Luc. 24, 33-36
  3. Jn. 20, 25
  4. Jn. 20, 27