Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/86

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qu’il soit employé au passé ou au présent, ou au futur, peu importe ; il est employé sans mensonge. Bien que l’immutabilité ineffable de cette nature ne permette pas de dire qu’elle a été ou qu’elle sera, mais seulement qu’elle est ; en effet, elle est véritablement, parce qu’elle ne peut changer, et à elle seule il convenait de dire : « Je suis Celui qui suis » ; et encore : « Tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous [1] » ; cependant, à cause de la mutabilité du temps dans lequel se trouvent circonscrites notre mortalité et notre changeante nature, nous disons certainement sans mensonge : Il a été, il sera et il est. 2 a été dans les siècles passés, il est dans le présent, il sera dans les siècles à venir. Il a été, parce qu’il n’a jamais cessé d’être ; il sera, parce qu’il ne cessera jamais d’exister ; il est, parce qu’il est toujours. En effet, il ne meurt point avec les choses passées, et n’est pas comme s’il n’était déjà plus ; il ne passe pas avec les choses présentes, comme il passerait s’il ne demeurait pas toujours le même ; il n’apparaîtra pas avec les choses de l’avenir, comme il apparaîtrait s’il n’avait pas toujours existé. Comme la parole humaine change selon les révolutions des temps, on peut se servir de tous les temps en parlant de Celui qui n’a pu, ne peut et ne pourra manquer dans aucun temps. Le Saint-Esprit entend donc toujours, parce qu’il sait toujours. Donc il a su, et il sait, et il saura, et par là même il a entendu, et il entend, et il entendra ; car, comme je l’ai déjà dit, pour lui, entendre c’est savoir, et pour lui, savoir c’est être. Donc il a entendu, il entend et il entendra de Celui dont il est, et il est de Celui dont il procède.
6. Ici quelqu’un me demandera peut-être si le Saint-Esprit procède aussi du Fils. Car le Fils est Fils du Père seul, et le Père est Père du Fils seul. Mais le Saint-Esprit est l’Esprit non pas de l’un des deux, mais de tous les deux. Tu as la parole de Notre-Seigneur pour t’instruire, car il a dit : « Ce n’est pas vous qui parlez, mais c’est l’Esprit de votre Père qui parle en vous[2] ». Tu as aussi celle de l’Apôtre ; la voici : « Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans vos cœurs[3] ». Est-ce qu’il y a deux esprits, l’un du Père, et l’autre du Fils ? À Dieu ne plaise. « Un seulCorps », dit l’Apôtre ; pour nous représenter l’Église, et il ajoute aussitôt : « Et un seul Esprit ». Et vois comme il complète la Trinité : « Comme vous êtes appelés », dit-il, « en une seule espérance de votre vocation, il n’y a qu’un seul Seigneur ». Ici c’est Jésus-Christ qu’il a voulu désigner ; il ne reste plus qu’à nommer le Père. Il continue donc : « Une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est sur tous, parmi tous et dans nous tous [4] ». Comme il n’y a qu’un seul Père, un seul Seigneur, c’est-à-dire un seul Fils, il n’y a non plus qu’un seul Esprit ; il est donc l’Esprit des deux. En effet, tandis que Jésus-Christ dit lui-même : « L’Esprit de votre Père qui parle en vous » ; l’Apôtre dit aussi : « Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans vos cœurs ». Dans un autre endroit, le même Apôtre dit : « Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts habite en vous ». Assurément il veut dire ici l’Esprit du Père. Et cependant c’est encore de lui qu’il dit ailleurs : « Quiconque n’a pas l’Esprit de Jésus-Christ, n’est pas à lui [5] ». Beaucoup d’autres témoignages montrent ainsi évidemment que Celui qui dans la Trinité est appelé l’Esprit-Saint est en même temps l’Esprit du Père et du Fils.
7. Ce n’est pas, je crois, pour une autre raison qu’on l’appelle proprement l’Esprit ; bien que, si l’on nous demande ce que sont le Père et le Fils, nous ne puissions que répondreIls sont l’un et l’autre Esprit, car Dieu est Esprit[6] ».  ; c’est-à-dire, Dieu n’est pas un corps, mais un Esprit. Ce qui était le nom commun des deux autres devait donc devenir le nom propre de Celui qui n’était ni l’un ni l’autre des deux premiers, mais Celui en qui paraissait l’union commune de tous les deux. Pourquoi alors ne croirions-nous pas que le Saint-Esprit procède aussi du Fils, puisqu’il est l’Esprit du Fils comme celui du Père ? S’il ne procédait pas du Fils, quand Jésus-Christ se fit voir à ses disciples après sa résurrection, il n’aurait pas soufflé sur eux en disant : « Recevez le Saint-Esprit[7] ». Que signifiait cette insufflation ? Que le Saint-Esprit procède aussi de lui. À cela se rapporte encore ce qu’il dit de la femme qui souffrait d’une perte de sang : « Quelqu’un m’a touché ; car j’ai senti une«

  1. Ex. 3, 14
  2. Mt. 10, 20
  3. Gal. 4, 6
  4. Eph. 4, 4-6
  5. Rom. 8, 11, 9
  6. Jn. 4, 24
  7. Id. 20, 22