Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/46

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dans saint Justin[1] ont plus d’affinité avec l’Évangile de saint Matthieu qu’avec tout autre. Saint Polycarpe[2] et saint Ignace martyr[3] emploient aussi principalement cet Évangile. On ne peut pas douter non plus que saint Clément de Rome[4] ne l’ait eu sous les yeux, quoiqu’il cite un peu librement[5]. »

Mais l’inspection attentive du livre lui-même nous fournit de précieux indices sur son auteur. Ainsi, c’est une remarque de saint Jérôme, saint Marc et saint Luc, lorsqu’ils parlent du fermier des douanes de Capharnaüm avant sa vocation, ne l’appellent jamais, par une attention délicate et respectueuse, que du nom moins connu de Lévi ; mais, après son élévation à l’apostolat, ils ne craignent plus de lui rendre un nom autrefois odieux, mais sanctifié par l’appel du Seigneur. L’auteur de notre Évangile ne connaît pas ces ménagements : il se sert toujours du nom de Matthieu, et quand il donne la liste complète des Apô-

  1. Martyr vers le milieu du iie siècle.
  2. Disciple de S. Jean.
  3. Disciple de S. Pierre, martyr au commencement du iie siècle.
  4. Troisième successeur de S. Pierre ; il occupait la chaire pontificale avant la fin du ier siècle.
  5. Nous ne devons pas omettre un argument qui, pour convenir à tous les Évangiles, n’en a pas moins de valeur appliqué à chacun d’eux. En tête de chaque Évangile se trouve cette inscription : Le saint Évangile de J.-C. selon Matthieu, Marc, etc. Ces titres ne sont pas des Évangélistes eux-mêmes. À quelle époque furent-ils introduits ? On ne saurait le déterminer d’une manière précise ; mais, vers la fin du iie siècle, ils se trouvent décidément en usage dans les livres liturgiques, dans les écrits des Pères (Irén. Adv. hær., i, 26, iii, 16, n. 7 al. ; Clément d’Alexand. Strom., i, 21, Tertull., passim), dans les copies du texte original, comme dans celles des versions, par exemple de la version latine, et partout, ils apparaissent avec des traces d’une origine ecclésiastique, ce qui prouve que leur existence remonte plus haut. Un usage qui a existé partout et toujours uniformément dans l’Église, sans qu’on puisse découvrir l’époque où il a commencé, doit être regardé comme une tradition de l’âge apostolique. Reithmayr.