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LES ASSEMBLÉES PROVINCIALES

Le déficit étant devenu grave, le seul moyen d’obtenir des subsides nouveaux parut être d’accorder à la nation un semblant de décentralisation et d’institutions libres, des espèces d’assemblées délibérantes, de qui on obtiendrait une augmentation des vingtièmes. C’est dans cette vue qu’en 1779 on établit deux Assemblées provinciales, l’une dans le Berry, l’autre dans la Haute-Guyenne, et, en 1787, cet essai fut appliqué à toutes les provinces où il n’y avait pas d’États, et fut développé en système, c’est-à-dire que, dans chaque ressort d’Assemblée provinciale, il y eut :

1o Dans chaque communauté n’ayant pas de municipalité, une assemblée municipale composée du seigneur et du curé, membres de droit, et de citoyens élus par un suffrage censitaire ;

2o Des assemblées secondaires, dites de district, d’élection ou de département, issues des assemblées municipales par un mode à demi électoral ;

3o Une assemblée provinciale, dont au début le roi nommait la moitié des membres ; ceux ci se complétaient eux-mêmes ; puis, trois ans plus tard, il y aurait un renouvellement annuel par quart, et ce quart serait élu par les assemblées secondaires.

Des commissions intermédiaires surveillaient et opéraient l’exécution des décisions, dans l’intervalle des sessions.

Quelles décisions ?

Les Assemblées provinciales étaient surtout chargées de la répartition et de l’assiette des impôts, des travaux publics ; elles exprimaient des vœux, faisaient des représentations. Elles avaient des attributions et un ressort plus étendus que nos conseils généraux.

Le roi disait même, dans l’édit de 1787, que ces dispositions pourraient être améliorées, et on croyait que plus tard l’édifice serait couronné par une Assemblée nationale, issue des Assemblées provinciales, et aussi que le mode électoral deviendrait plus démocratique, comme le faisait espérer le fait que, dans ces Assemblées, on votait par tête et non par ordre.

Vingt de ces Assemblées fonctionnèrent, à la fin de 1787 et au commencement de 1788 ; leurs commissions intermédiaires fonctionnèrent jusqu’en juillet 1790, époque où elles remirent leurs pouvoirs aux directoires de département.

Cette tentative fut accueillie avec joie par les philosophes, notamment par Condorcet[1] : ils crurent voir l’aurore d’une révolution pacifique. Et les Assemblées provinciales répondirent en partie à ces espérances : elles préparèrent une meilleure assiette et une meilleure répartition de l’impôt ; elles émirent des vœux utiles ; elles firent des enquêtes instructives ; elles parurent animées de la passion du bien public[2].

  1. Voir son Essai sur la constitution et les fonctions des Assemblées provinciales. Paris, 1788, 2 vol. in-8.
  2. Lire, par exemple, le discours du duc d’Havré (qui se montra si aveuglément