Page:Aulard - Histoire politique de la Révolution française.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
ORGANISATION DE LA MONARCHIE

« Je dois aussi, dit-il, prévenir une fausse interprétation de la sanction royale proposée par le Comité. Il entend parler de la sanction établie par la constitution, et non pour la constitution, c’est-à-dire de la sanction nécessaire aux simples actes législatifs.

« Le roi n’aurait pas le droit de s’opposer à l’établissement de la constitution, c’est-à-dire à la liberté de son peuple. Il faut cependant qu’il signe et ratifie la constitution, pour lui et ses successeurs. Étant intéressé aux dispositions qu’elle renferme, il pourrait exiger des changements mais, s’ils étaient contraires à la liberté publique, l’Assemblée nationale aurait, non seulement la ressource du refus de l’impôt, mais encore le recours à ses commettants, car la nation a certainement le droit d’employer tous les moyens nécessaires pour devenir libre. Le Comité a pensé qu’on ne devait pas même mettre en question si le roi ratifierait la constitution, et qu’il fallait placer la sanction dans la constitution même pour les lois qui seraient ensuite établies. »

Le 11 septembre, Guillotin demanda : « Le roi peut-il refuser son consentement à la constitution ? » Meunier et Fréteau répondirent qu’il était inopportun et dangereux de s’occuper en ce moment de cette question, « qui était convenue par tous les esprits[1] » et, « la question préalable ayant été réclamée, l’Assemblée, dit le procès-verbal, a déclaré qu’il n’y avait pas lieu de délibérer quant à présent ».

Et le sens de ce vote fut encore précisé par Mirabeau, qui dit à la tribune « que, si l’Assemblée avait jeté un voile religieux sur la grande vérité qu’une constitution n’a pas besoin d’être sanctionnée, c’était parce qu’on avait cru que, dans les circonstances, cette vérité était dangereuse à énoncer, mais que le principe restait toujours le même, et qu’il ne pouvait jamais être abandonné[2]».

Les articles une fois votés, il fut décrété (1er octobre) que la Déclaration et la constitution seraient « présentées à l’acceptation du roi », et les débats qui précédèrent le vote de ce décret firent voir que ce mot d’acceptation était entendu dans ce sens, que le roi ne pouvait pas apposer son veto[3].

Ainsi l’Assemblée n’admet pas qu’en droit et en fait le roi puisse repousser la Constitution  : elle entend la lui imposer.

Quoi de plus républicain?

  1. Point du Jour t. II, p. 333. D’après Le Hodey (t.III, p. 398) Mounier aurait dit : « Le roi n’a pas de consentement à donner à la constitution : elle est antérieure à la monarchie.» Et Fréteau, d’après le même journaliste, aurait exprimé la crainte que, si on demandait au roi son consentement, il répondit qu’il ne l’accorderait que quand elle aurait été ratifiée par le peuple : « qu’alors les commettants deviendraient juges de la constitution, et qu’il en pourrait résulter de grands maux ».
  2. Point du Jour, t. II, p. 375.
  3. Voir le résumé de la discussion dans le Point du Jour, t. III, p 185, et les réflexions de Barère, p. 186. Cependant le Journal de Le Hodey t. IV, p 331, dit que ce vote ne préjugea pas la grande question du veto en matière de constitution. Mais il ne saurait y avoir de doute sur les intentions de l’ Assemblée : elle évita seulement de trancher la question par un décret formel.