Page:Aulard - Histoire politique de la Révolution française.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
LE RÉGIME CENSITAIRE

être éligible en qualité de représentant, aux Assemblées nationales ».

Petion s’éleva contre toute condition censitaire d’éligibilité : « Il faut, dit-il, laisser à la confiance le soin de choisir la vertu[1]. »

Un autre député, reprenant l’idée primitive du Comité, demanda qu’on exigeât une propriété, en outre du marc d’argent[2].

Ramel de Nogaret réclama une exception en faveur des fils de famille, qui, dans les pays de droit écrit, ne pouvaient pas posséder tant que leur père était vivant.

L’abbé Thibault fit observer que la condition d’avoir une propriété foncière rendrait peut-être, à l’avenir, tout le clergé inéligible, et il déclara en outre qu’à son avis, un marc d’argent, c’était trop.

Démeunier défendit le projet du Comité, mais sans arguments intéressants.

Cazalès dit : « Le commerçant transporte aisément sa fortune : le capitaliste, le banquier, l’homme qui possède l’argent, sont des cosmopolites ; le propriétaire seul est le vrai citoyen ; il est enchaîné à la terre ; il est intéressé a sa fertilité ; c’est à lui à délibérer sur les impôts. » Et l’orateur allégua l’exemple de l’Angleterre, où, pour être membre de la Chambre des communes, il fallait avoir un revenu de 7 200 livres. Il demanda que la propriété foncière à exiger des éligibles fût d’un revenu d’au moins 1 200 livres[3].

Reubell et Defermon répliquèrent a Cazalès et soutinrent le projet du Comité.

Barère parla contre la condition d’avoir une propriété foncière, et, soutenu par quelques autres, proposa de substituer à la condition du marc d’argent celle de payer une contribution de la valeur locale de trente journées de travail. D’autres orateurs demandèrent que cette contribution pût être payée en grains.

Enfin, Prieur (de la Marne), reprenant l’idée de Petion, proposa de supprimer toute autre condition que celle de la confiance des électeurs, et, appuyé par Mirabeau, demanda la priorité pour cette motion : l’Assemblée vota contre la priorité.

Le premier amendement mis aux voix fut celui d’exiger une propriété foncière quelconque, en outre du marc d’argent : adopté. La minorité réclama, avec Grégoire et une partie du clergé : l’Assemblée ne revint pas sur son vote.

Second amendement : à quelle valeur sera fixée la propriété foncière ? Décrété qu’il n’y a pas lieu à délibérer la-dessus.

Troisième amendement : évaluer la contribution en journées de travail ou en grains. Décrété qu’elle sera évaluée en poids d’argent.

Quatrième amendement : qu’elle soit évaluée à un demi-marc, ou

  1. Point du Jour, t. III, p. 487.
  2. D’après Le Hodey, l’auteur de cette motion était « M. le président ». Or, c’est Camus qui présidait alors la Constituante.
  3. Point du Jour, t. III, p. 488.