Page:Aulard - Histoire politique de la Révolution française.djvu/85

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sait si déjà ce n’est pas un crime de lèse-nation que d’oser dire : la nation est le souverain ? » Et il concluait par cet appel au roi : « Ô Louis XVI ! ô restaurateur de la liberté française ! vois les trois quarts de la nation exclus du Corps législatif par le décret du marc d’argent ; vois les communes avilies sous la tutelle d’un conseil municipal. Sauve les Français ou de l’esclavage ou de la guerre civile. Purifie le veto suspensif par l’usage glorieux que tu en peux faire dans ce moment. Conservateur des droits du peuple, défends-le contre l’insouciance, l’inattention, l’erreur ou le crime de ses représentants ; dis-leur lorsqu’ils te demanderont la sanction de ces injustes décrets : La nation est le souverain : je suis son chef ; vous n’êtes que ses commissaires, et vous n’êtes ni ses maîtres, ni les miens. »

Ces articles amenèrent-ils un mouvement d’opinion ? Ou furent-ils le résultat d’un mouvement d’opinion ? On ne sait on est assez mal renseigne par les journaux sur ce qui se disait dans la rue, dans les cafés, ou au Palais-RoyaI, relativement à l’établissement du régime censitaire. Je crois qu’à la première nouvelle de cet établissement le peuple de Paris ne s’émut pas, ne comprit pas. Il semble que ç’ait été une élite de citoyens actifs qui ensuite, expliqua aux citoyens passifs en quoi ils étaient lésés.

En tout cas, c’est après la publication des articles de Camille Desmoutins et de Loustallot qu’il y eut une première manifestation contre le régime censitaire, ou plutôt la première que nous connaissons vint après ces articles.

D’abord, il s’agit surtout du marc d’argent, et il semble, comme nous t’avons dit, qu’on se resignait aisément au reste.

Le 17 décembre 1789, le district de Henri IV prit un arrêté en vue de s’entendre avec les autres districts pour envoyer à Louis XVI une députation qui lui demanderait de refuser sa sanction au décret sur le marc d’argent[1]. Cette idée, si conforme à la politique de Mirabeau, d’user du veto et du pouvoir royal dans l’intérêt de la cause populaire, ne semble avoir eu ni écho ni suite quelconque.

Mais un certain nombre de districts protestèrent alors contre le marc d’argent[2].

Cette campagne était encouragée par le plus éminent des penseurs d’alors, par Condorcet, membre de la Commune de Paris depuis le mois de septembre. Lui aussi, jadis partisan du cens, il avait changé d’opinion, depuis que les prolétaires avaient fait acte de citoyens en aidant la bourgeoisie à prendre la Bastille, depuis que la populace de Paris, par cette opération raisonnable et héroïque, s’était élevée à la dignité de peuple.

Président d’un comité de la Commune qui était chargé de préparer un

  1. Sigismond Lacroix, Actes de la Commune de Paris, t. III p. 582.
  2. Ibid., 583, 584.