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LE PRINCE

majestueux ne laissait pas douter de la grandeur de sa naissance ; son habit était de satin amarante brodé de diamans et de perles. Elle s’avança vers lui d’un air gracieux, et lui dit : « Jeune prince, ne cherchez point ici la couleuvre que vous y avez apportée, elle n’y est plus, vous me trouvez à sa place pour vous payer ce qu’elle vous doit ; mais il faut vous parler plus intelligiblement. Sachez que je suis la fée Gentille, fameuse à cause des tours de gaité et de souplesse que je sais faire ; nous vivons cent ans sans vieillir, sans maladies, sans chagrins et sans peines ; ce terme expiré, nous devenons couleuvres pendant huit jours : c’est ce temps seul qui nous est fatal ; car alors nous ne pouvons plus prévoir ni empêcher nos malheurs ; et si l’on nous tue, nous ne ressuscitons plus : ces huit jours expirés, nous reprenons notre forme ordinaire, avec notre beauté, notre pouvoir et nos trésors. Vous savez à présent, seigneur, les obligations que je vous ai, il est bien juste que je m’en acquitte ; pensez à quoi je peux vous être utile, et comptez sur moi. »

Le jeune prince qui n’avait point eu jusque-là de commerce avec les fées, demeura si surpris, qu’il fut long-temps sans pouvoir parler. Mais lui faisant une profonde révérence : « Madame, dit-il, après l’honneur que j’ai eu de vous servir, il me semble que je n’ai rien à souhaiter de la fortune. — J’aurais bien du chagrin, répliqua-t-elle, que vous ne me missiez pas en état de vous être utile ; considérez que je peux vous faire un grand roi, prolonger votre vie, vous rendre plus aimable,