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LE PRINCE

des roses sauvages qu’il y avait remarquées. En même temps son corps devint aussi léger que sa pensée ; il se transporta dans la forêt, passant par la fenêtre, et voltigeant comme un oiseau ; il ne laissa pas de sentir de la crainte lorsqu’il se vit si élevé, et qu’il traversait la rivière ; il appréhendait de tomber dedans, et que la fée n’eût pas le pouvoir de l’en garantir. Mais il se trouva heureusement au pied du rosier ; il prit trois roses, et revint sur-le-champ dans la chambre où la fée était encore : il les lui présenta, étant ravi que son petit coup d’essai eût si bien réussi. Elle lui dit de garder ces roses ; qu’il y en avait une qui lui fournirait tout l’argent dont il aurait besoin ; qu’en mettant l’autre sur la gorge de sa maîtresse, il connaîtrait si elle était fidèle, et que la dernière l’empêcherait d’être malade. Puis, sans attendre ses remercimens, elle lui souhaita un heureux voyage, et disparut.

Il se réjouit infiniment du beau don qu’il venait d’obtenir. « Aurais-je pu penser, disait-il que pour avoir sauvé une pauvre couleuvre des mains de mon jardinier, il m’en serait revenu des avantages si rares et si grands ! Oh ! que je vais me rejouir ! que je passerai d’agréables momens ! que je saurai de choses ! Me voilà invisible ; je serai informé des aventures les plus secrètes. » Il songea aussi qu’il aurait beaucoup de plaisir à prendre quelque vengeance de Furibon. Il mit promptement ordre à ses affaires, et monta sur le plus beau cheval de son écurie, appelé Gris-de-Lin, suivi de quelques-