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LE PRINCE

et l’attacha contre un arbre, sans qu’il eût le temps ni la force de se défendre ; car il ne voyait pas même celui qui le liait. Aux cris qu’il fit, il y eut un de ses camarades qui vint tout essoufflé, et lui demanda qui l’avait attaché ? « Je n’en sais rien, dit-il, je n’ai vu personne. » C’est pour t’excuser, dit l’autre ; mais je sais depuis longtemps que tu n’es qu’un poltron, je vais te traiter comme tu le mérites. » Il lui donna une vingtaine de coups d’étrivières.

Lutin se divertissait fort à le voir crier ; puis s’approchant du second voleur, il lui prit les bras et l’attacha vis-à-vis de son camarade. Il ne manqua pas alors de lui dire : « Hé bien, brave homme, qui vient donc de te garotter ? N’es-tu pas un grand poltron de l’avoir souffert ? » L’autre ne disait mot, et baissait la tête de honte, ne pouvant imaginer par quel moyen il avait été attaché sans avoir vu personne.

Cependant Abricotine profita de ce moment, sans savoir même où elle allait. Léandre ne la voyant plus, appela trois fois Gris-de-Lin, qui se sentant pressé d’aller trouver son maître, se défit en deux coups pieds des deux voleurs qui l’avaient poursuivi ; il cassa la tête de l’un, et trois côtes de l’autre. Il n’était plus question que de rejoindre Abricotine, car elle avait paru fort jolie à Lutin ; il souhaita d’être où était cette jeune fille. En même temps il y fut ; il la trouva si lasse, si lasse, qu’elle s’appuyait contre les arbres, ne pouvant se soutenir. Lorsqu’elle aperçut Gris-de-