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LUTIN

barbottant dans la boue, ou une citrouille, ou une chouette ; mais le plus grand mal que je puisse te faire, c’est de t’abandonner à ton extravagance. Reste dans ton trou, dans ta caverne obscure avec les ours, appelle les bergères du voisinage ; tu connaîtras avec le temps la différence qu’il y a entre des gredines et des paysannes, ou une fée comme moi, qui peut se rendre aussi charmante qu’elle veut.

» Elle entra aussitôt dans son carrosse volant, et s’en alla plus vite qu’un oiseau. Dès qu’elle fut de retour, elle transporta son palais, elle en chassa les gardes et les officiers ; elle prit les femmes de race d’Amazones ; elle les envoya autour de son île pour y faire une garde exacte, afin qu’aucun homme n’y pût entrer. Elle nomma ce lieu l’île des plaisirs tranquilles ; elle disait toujours qu’on n’en pouvait avoir de véritable quand on faisait quelque société avec les hommes : elle éleva sa fille dans cette opinion. Il n’a jamais été une plus belle personne : c’est la princesse que je sers ; et comme les plaisirs règnent avec elle, on ne vieillit point dans son palais : telle que vous me voyez, j’ai plus de deux cents ans. Quand ma maîtresse fut grande, sa mère la fée lui laissa son île ; elle lui donna des leçons excellentes pour vivre heureuse : elle retourna dans le royaume de féerie ; et la princesse des plaisirs tranquilles gouverne son État d’une manière admirable.

» Il ne me souvient pas depuis que je suis au monde, d’avoir vu d’autres hommes, que les