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ET PERCINET.

Grognon. Quel moyen de la voir dans ces beaux lits que la reine ma bonne mère avait si délicatement brodés de ses mains ? Quel moyen de caresser une magote qui voudrait m’avoir donné la mort ? — Ma chère enfant, répliqua la nourrice, il faut que votre esprit vous élève autant que votre naissance ; les princesses comme vous, doivent de plus grands exemples que les autres. Et quel plus bel exemple y a-t-il que d’obéir à son père, et de se faire violence pour lui plaire ? Prometiez-moi donc que vous ne témoignerez point à Grognon la peine que vous avez. » La princesse ne pouvait s’y résoudre ; mais la sage nourrice lui dit tant de raisons, qu’enfin elle s’engagea de faire bon visage, et d’en bien user avec sa belle-mère.

Elle s’habilla aussitôt d’une robe verte à fond d’or, elle laissa tomber ses blonds cheveux sur ses épaules, flottant au gré du vent, comme c’était la mode en ce temps-là, et elle mit sur sa tête une légère couronne de roses et de jasmin, dont toutes les feuilles étaient d’émeraudes. En cet état, Vénus, mère des Amours, aurait été moins belle ; cependant la tristesse qu’elle ne pouvait surmonter, paraissait sur son visage.

Mais, pour revenir à Grognon, ceite laide créature était bien occupée à se parer. Elle se fit faire un soulier plus haut de demi-coudée que l’autre, pour paraître un peu moins boiteuse ; elle se fit faire un corps rembourré sur une épaule pour cacher sa bosse ; elle mit un œil d’émail le mieux fait qu’elle put trouver ;