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PETITE SOURIS.

Elle en prit grand soin, et si elle avait eu la princesse Joliette, elle aurait été contente ; mais on ne pouvait découvrir en quel lieu Cancaline l’avait mise, bien que la petite souris y fit tout son possible.

Enfin le temps se passait, et la grande affliction de la reine diminuait. Il y avait quinze ans déjà, lorsqu’on entendit dire que le fils du méchant roi s’allait marier à sa dindonnière, et que cette petite créature n’en voulait point. Cela était bien surprenant, qu’une dindonnière refusât d’être reine ; mais pourtant les habits de noces étaient faits, et c’était une si belle noce, qu’on у allait de cent lieues à la ronde. La petite souris s’y transporta ; elle voulait voir la dindonnière tout à son aise. Elle entra dans le poulailler, et la trouva vêtue d’une grosse toile, nu-pieds, avec un torchon gras sur sa tête. Il y avait là des habits d’or et d’argent, des diamans, des perles, des rubans, des dentelles qui traînaient à terre : les dindons se juchaient dessus, les crottaient et les gâtaient. La dindonnière était assise sur une grosse pierre ; le fils du méchant roi qui était tortu, borgne et boiteux, lui disait rudement : « Si vous me refusez votre cœur, je vous tuerai. » Elle lui répondait fièrement : « Je ne vous épouserai point, vous êtes trop laid ; vous ressemblez à votre cruel père. Laissez-moi en repos avec mes petits dindons, je les aime mieux que toutes vos braveries. »

La petite souris la regardait avec admiration ; car elle était aussi belle que le soleil. Dès que le