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LE MOUTON.

tre, ou que les lions et les loups pouvaient la manger comme un poulet, elle se mit à marcher tant qu’elle put ; mais la forêt était si grande et le soleil si ardent, qu’elle mourait de chaud de peur et de lassitude. Elle regardait de tous côtés sans voir le bout de la forêt. Tout l’effrayait ; elle croyait toujours que le roi courait après elle pour la tuer : il est impossible de redire ses tristes plaintes.

Elle marchait sans suivre aucune route certaine ; les buissons déchiraient sa belle robe, et blessaient sa peau blanche. Enfin elle entendit bêler un mouton : « Sans doute, dit-elle, qu’il y a des bergers ici avec leurs troupeaux ; ils pourront me guider à quelque hameau, où je me cacherai sous l’habit d’une paysanne. Hélas ! continua-t-elle, ce ne sont pas les souverains et les princes qui sont toujours les plus heureux. Qui croirait dans tout ce royaume que je suis fugitive, que mon père, sans sujet ni raison, souhaite ma mort, et que pour l’éviter, il faut que je me déguise ! »

En faisant ces réflexions, elle s’avançait vers le lieu où elle entendait bêler ; mais quelle fut sa surprise en arrivant dans un endroit assez spacieux tout entouré d’arbres, de voir un gros mouton plus blanc que la neige, dont les cornes étaient dorées, qui avait une guirlande de fleurs autour de son cou, les jambes entourées de fils de perles d’une grosseur prodigieuse, quelques chaînes de diamans sur lui, et qui était couché sur des fleurs d’oranges ; un pavillon de draps d’or suspendu en l’air, empêchait le soleil de l’incom-