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DE TOLÈDE.

assez louer son esprit et son adresse ; ils perdirent pas un moment à se faire habiller : ils ordonnèrent de riches vestes de drap d’or, garnies de pierreries ; des cimeterres dont la garde était garnie de diamans, des turbans, et tout l’equipage nécessaire pour cette espèce de mascarade. Ils trouvèrent par bonheur un peintre qui leur fit une huile composée pour leur rendre le teint aussi brun qu’il fallait l’avoir ; et lorsque tout fut prêt pour ce petit voyage, dom Francisque envoya un de ses gens à la comtesse, pour l’avertir du jour qu’il lui mènerait les fils de l’ambassadeur. Elle se donna beaucoup de mouvement, et prit des soins extrêmes pour bien recevoir ces illustres Maures. Elle ordonna à ses filles de ne rien négliger pour paraître aimable à leurs yeux ; et sa sévérité, qui s’étendait sur toutes les nations du monde, l’abandonna à l’égard de celle de Maroc, parce qu’étant fort dévote, elle les regardait comme des barbares et les ennemis de la foi. Sur ce pied, elle s’était mis dans l’esprit qu’il était impossible qu’une Espagnole aimât jamais un homme qui n’aurait pas été baptisé ; et par l’effet de cette prévention, elle jugea qu’elle ne risquait rien en laissant voir ses filles aux galans Africains.

Comme c’était le soir qu’ils arrivèrent, tout le château se trouva éclairé d’un nombre infini de lumières ; elle fut les recevoir jusque sur l’escalier, et ils firent en la saluant des révérences si extraordinaires, ils haussèrent et baissèrent tant de fois les mains ; ils faisaient des hi, des ha et des ho, si subits et si fré-