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DE TOLÈDE.

un qu’elle avait acheté depuis peu : c’étaient des amours qui jouaient à divers jeux ; le plus petit se couvrait le visage d’un masque, pour faire peur aux autres. Dom Fernand loua l’imagination du peintre, et l’excellence de son travail, dans des termes qui faisaient assez connaitre son esprit et la justesse de son goût ; il s’y arrêta sans faire paraitre aucune affectation, pendant que la comtesse parlait à son neveu ; car il l’amusait à chaque pas. L’amoureux Maure prit un crayon ; il écrivit ces mots aux pieds du petit amour masqué :

Escondido à todos,
Por ser visto de tus lindos ojos,

Cela veut dire :

« Je me cache à tout le monde, pour voir vos beaux yeux. »

À peine la jeune Léonore eut-elle regardé ces caractères, que son cœur débrouilla l’énigme, elle sentit un grand trouble mêlé de joie. Dom Fernand connut bien qu’elle avait démêlé le mystère, et qu’elle n’était point fâchée de le voir ; il en parut encore plus gai et plus spirituel ; il dit dans la conversation mille jolies choses, où Léonore eut lieu de s’intéresser ; mais tel plaisir qu’elle prît à l’entendre, elle ne put s’empêcher de se séparer de la compagnie, et tirant sa sœur à part : « Ah ! ma chère Matilde, lui dit-elle, n’appréhendez-vous point comme moi, que dom Fernand et dom Jaime, ne soient reconnus ? Je ne vous entends pas, répondit Matilde, de quoi donc parlez-vous ? — Hélas ! pauvre fille, continua Léonore en souriant, que