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VERT.

Pendant qu’elles s’entretenaient du mauvais tour que Magotine venait de leur faire, cette barbare petite fée s’approcha du berceau où les princesses étaient enveloppées de langes de drap d’or, les plus jolies du monde, et s’adressant à l’une d’elles : « Je te doue, dit-elle promptement, d’être parfaite en laideur. » Elle allait donner quelque malédiction à l’autre, quand les fées toutes émues accoururent et l’en empêchèrent ; de sorte que la mauvaise Magotine cassa un panneau de vitres, et passant à travers comme un éclair, elle disparut aux yeux.

De quelques dons que les fées bienfaisantes pussent douer la princesse, la reine ressentit moins leurs bontés, qu’elle ne ressentait la douleur de se voir mère de la plus laide créature du monde ; elle la prit entre ses bras et elle eut le chagrin de la voir enlaidir d’un instant à l’autre ; elle essayait inutilement de se faire violence, pour ne pas pleurer devant mesdames les fées ; elle ne pouvait s’en empêcher, et l’on ne saurait comprendre la pitié qu’elle leur faisait. « Que ferons-nous, ma sœur, s’entredisaient elles, que ferons-nous pour consoler la reine ? » Elles tinrent un grand conseil, et lui dirent ensuite d’écouter moins sa douleur, parce qu’il y avait un temps marqué où sa fille serait fort heureuse : « Mais, interrompit la reine, deviendra-t-elle belle ? — Nous ne pouvons, répliquèrent-elles, nous expliquer davantage : qu’il vous suffise, madame, de savoir que votre fille sera contente. » Elle les remercia fort, et ne manqua pas de