Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
SERPENTIN

La princesse Bellotte lui donna pour présent de noces un vieux ruban, qu’elle avait porté tout l’hiver à son manchon ; et le roi qu’elle épousait lui donna du taffetas zinzolin pour lui faire une jupe. Si elle s’en était crue, elle aurait bien jeté le ruban et le zinzolinage au nez des généreuses personnes qui la régalaient si mal ; mais elle avait tant d’esprit, de sagesse et de raison, qu’elle ne voulut témoigner aucune aigreur ; elle partit donc avec sa fidèle nourrice pour retourner dans son château, le cœur si rempli de tristesse, qu’elle fit tout le voyage sans dire une parole.

Comme elle était un jour dans une des plus sombres allées de la forêt elle vit sous un arbre un gros serpent vert, qui haussant la tête lui dit : « Laidronette, tu n’es pas seule malheureuse ; vois mon horrible figure, et sache que j’étais né encore plus beau que toi. » La princesse, effrayée, n’entendit pas la moitié de ses paroles ; elle s’enfuit, et demeura plusieurs jours sans oser sortir, tant elle avait peur d’une pareille rencontre. Enfin s’ennuyant d’être toujours seule dans sa chambre, elle en descendit sur le soir, et fut au bord de la mer : elle se promenait lentement, et rêvait à sa triste destinée, lorsqu’elle vit venir à elle une petite barque toute dorée, et peinte de mille devises différentes ; la voile en était de brocard d’or, le mât de cèdre, les rames de canambour ; il semblait que le hasard seul la faisait voguer ; et