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VERT.

lui dit une voix, n’est-ce pas votre faute ? Si vous vouliez aimer vous sauriez bien vite que l’on peut rester long-temps avec ce qu’on aime dans un palais, et même dans une solitude affreuse, sans souhaiter d’en sortir. — Quel pagode me parle ? répondit-elle. Quels pernicieux conseils me donne-t-il, contraires à tout le repos de ma vie ? Ce n’est point une pagode, répondit-on, qui vous avertit d’une chose que vous ferez tôt ou tard ; c’est le malheureux souverain de ce royaume qui vous adore, madame, et qui n’oserait vous le dire qu’en tremblant. — Un roi m’adore ! répliqua la princesse ; ce roi a-t-il des yeux, ou s’il est aveugle ? A--t-il vu que je suis la plus laide personne du monde ? — Je vous ai vue, madame, répliqua l’invisible, je ne vous ai point trouvée telle que vous vous représentez, et soit votre personne, votre mérite ou vos disgrâces, je vous le répète, je vous adore ; mais mon amour respectueux et craintif m’oblige à me cacher. — Je vous en ai de l’obligation, reprit la princesse, que ferais-je, hélas ! si j’aimais quelque chose ? — Vous feriez la félicité de celui qui ne peut vivre sans vous, lui dit-il ; mais si vous ne lui permettez pas de paraître, il n’oserait le faire. — Non, dit la princesse, non je ne veux rien voir qui m’engage trop fortement. » On cessa de lui répondre, et elle fut le reste de la nuit très-occupée de cette aventure.

Quelque résolution qu’elle eût prise de ne rien dire qui eût le moindre rapport à cette aventure, elle ne put s’empêcher de deman-