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VERT.

votre retour vous aurez donné l’eau dans la cruche percée, et le trèfle à Magotine. »

La reine promit à la fée Protectrice de ne manquer à rien de tout ce qu’elle lui prescrivait. « Cependant, madame, ajouta-t-elle, serai-je trois ans sans entendre parler du roi Serpentin ? — Vous mériteriez d’être tout le temps de votre vie privée de ses nouvelles, répondit la fée ; car se peut-il rien de plus terrible, que de réduire comme vous avez fait, ce pauvre roi à recommencer sa pénitence ? » La reine ne répondit rien, les larmes qui coulaient de ses yeux et son silence marquaient assez la douleur qu’elle ressentait. Elle monta dans le petit chariot, les serins de Canarie firent leur devoir, et la conduisirent au fond de la vallée, où les géans gardaient la fontaine de discrétion. Elle prit promptement ses souliers de fer qu’elle leur jeta à la tête : dès qu’ils en furent touchés, ils tombèrent comme des colosses, sans vie ; les serins prirent la cruche percée, et la raccommodèrent avec une adresse si surprenante, qu’il ne paraissait pas qu’elle eût jamais été cassée. Le nom que cette eau portait lui donna envie d’en boire : « Elle me rendra, dit-elle, plus prudente et plus discrète que par le passé : hélas ! si j’avais eu ces qualités, je serais encore dans le royaume de Pagodie. » Après qu’elle eut bu un long trait, elle se lava le visage et devint si belle, si belle, qu’on l’aurait plutôt prise pour une déesse que pour une personne mortelle.

Aussitôt la fée Protectrice parut, et lui dit :