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SERPENTIN

reine trouva, ce fut son aimable époux ; elle ne l’avait jamais vu sous une figure si charmante ; il ne l’avait point vue non plus aussi belle qu’elle était devenue : cependant un pressentiment, et peut-être l’Amour qui se trouvait en tiers avec eux, leur fit deviner qui ils étaient. La reine aussitôt lui dit, avec une extrême tendresse :

Du destin en ces lieux je viens fléchir la loi ;
S’il vous arrête ici par un ordre barbare,
Unissons-y nos cœurs, que rien ne nous sépare.
L’enfer, qu’on trouve plein d’effroi,
N’aura rien de triste pour moi.

Le roi, transporté de la plus vive passion, répondit à son épouse tout ce qui pouvait lui marquer son empressement et sa joie ; mais l’Amour qui n’aime pas à perdre du temps, les convia de s’approcher de Proserpine. La reine lui fit un compliment de la part de la fée, et la pria de la charger de l’essence de longue vie. C’était proprement le mot du guet entre ces bonnes personnes ; elle lui donna aussitôt une fiole assez mal bouchée, pour lui faciliter l’envie de l’ouvrir. L’Amour qui n’est pas novice, avertit la reine de se bien garder d’une curiosité qui lui serait encore fatale et sortant promptement de ces tristes lieux, le roi et la reine revirent la lumière. L’Amour ne voulut plus les abandonner, il les conduisit chez Magotine, et pour qu’elle ne le vît pas, il se cacha dans leur cœur. Cependant sa présence inspira des sentimens si humains à la fée, qu’encore qu’elle en ignorât la raison, elle reçut très-bien ces illustres infortunés ; et fai-