La reine ignorait toutes ces choses : le temps vint de ses couches ; elles furent très-heureuses : le ciel lui donna une petite princesse, aussi belle que Grenouillette l’avait prédit ; elles la nommèrent Moufette ; et la reine, avec bien de la peine, obtint permission de la fée Lionne de la nourrir ; car elle avait grand envie de la manger, tant elle était barbare et féroce.
Moufette, la merveille de nos jours, avait déjà six mois ; et la reine, en la regardant avec une tendresse mêlée de pitié, disait sans cesse : « Ha ! si le roi ton père te voyait, ma pauvre petite, qu’il aurait de joie, que tu lui serais chère ! Mais peut-être dans ce même moment qu’il commence à m’oublier ; il nous croit ensevelies pour jamais dans les horreurs de la mort ; peut-être, dis-je, qu’une autre occupe dans son cœur la place qu’il m’y avait donnée. »
Ces tristes réflexions lui coûtaient bien des larmes ; la grenouille, qui l’aimait de bonne foi, la voyant pleurer ainsi, lui dit un jour : « Si vous voulez, madame, j’irai trouver le roi votre époux ; le voyage est long ; je chemine lentement ; mais enfin, un peu plus tôt ou un peu plus tard, j’espère arriver. » Cette proposition ne pouvait être plus agréablement reçue qu’elle le fut ; la reine joignit ses mains, et les fit même joindre à Moufette, pour marquer à madame la grenouille l’obligation qu’elle lui aurait d’entreprendre un tel voyage. Elle l’assura que le roi n’en serait pas ingrat. « Mais, continua-t-elle, de quelle utilité lui pourra