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LA GRENOUILLE

coquette de son métier, cela l’avait obligée de mettre du rouge et des mouches ; l’on dit même qu’elle était fardée, comme sont la plupart des dames de ces pays-là ; mais la chose approfondie, l’on a trouvé que c’était ses ennemis qui en parlaient ainsi.

Elle demeura sept ans à faire son voyage pendant lesquels la pauvre reine souffrit des maux et des peines inexprimables ; et sans la belle Moufette qui la consolait, elle serait morte cent et cent fois. Cette merveilleuse petite créature n’ouvrait pas la bouche et ne disait pas un mot qu’elle ne charmât sa mère ; il n’était pas jusqu’à la fée Lionne qu’elle n’eût apprivoisée ; et enfin, au bout de six ans que la reine avait passés dans cet horrible séjour, elle voulut bien la mener à la chasse, à condition que tout ce qu’elle tuerait serait pour elle.

Quelle joie pour la pauvre reine de revoir le soleil ! elle en avait si fort perdu l’habitude qu’elle en pensa devenir aveugle. Pour Moufette, elle était si adroite, qu’à cinq et six ans rien n’échappait aux coups qu’elle tirait ; par ce moyen la mère et la fille adoucissaient un peu la férocité de la fée.

Grenouille chemina par monts et par vaux, de jour et de nuit ; enfin elle arriva proche de la ville capitale où le roi faisait son séjour ; elle demeura surprise de ne voir partout que des danses et des festins ; on riait, on chantait ; et plus elle approchait de la ville, plus elle trouvait de joie et de jubilation. Son équipage maréca-