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LA GRENOUILLE

ravoir sa femme, est assurément du temps des fées, et son procédé marque assez l’époque de mon conte.

Trois années s’écoulèrent sans que le roi eût lieu de se promettre aucuns avantages ; il était presque désesperé ; il prit cent fois la résolution de se jeter dans le lac ; et il l’aurait fait, s’il avait pu envisager ce dernier coup comme un remède aux peines de la reine et de la princesse. Il courait à son ordinaire tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, lorsqu’un dragon affreux l’appela et lui dit : « Si vous voulez me jurer par votre couronne et par votre sceptre, par votre manteau royal, par votre femme et votre fille, de me donner un certain morceau à manger dont je suis friand, et que je vous demanderai lorsque j’en aurai envie, je vais vous prendre sur mes ailes ; et malgré tous les monstres qui couvrent ce lac, et qui gardent le château de cristal, je vous promets que nous retirerons la reine et la princesse Moufette.

— Ah ! cher dragon de mon âme, s’écria le roi, je vous jure, et à toute votre dragonienne espèce, que je vous donnerai à manger tant qu’il vous plaira, et que je resterai à jamais votre petit serviteur. Ne vous engagez pas, répliqua le dragon, si vous n’avez envie de me tenir parole ; car il arriverait des malheurs si grands, que vous vous en souviendriez le reste de votre vie. » Le roi redoubla ses protestations ; il mourait d’impatience de délivrer sa chère reine ; il monta sur le dos du dragon,