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Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/440

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LA BICHE

quelques buissons étaient chargés : ensuite il prit la biche entre ses bras, il appuya sa tête sur son cou et vint la coucher doucement sur ces ramées, puis il s’assit auprès d’elle, cherchant de temps en temps des herbes fines qu’il lui présentait et qu’elle mangeait dans sa main.

Le prince continuait de lui parler, quoiqu’il fût persuadé qu’elle ne l’entendait pas. Cependant quelque plaisir qu’elle eût de le voir, elle s’inquiétait, parce que la nuit s’approchait. « Que serait-ce, disait-elle en elle-même, s’il me voyait changer tout d’un coup de forme, il serait effrayé et me fuirait ; ou s’il ne me fuyait pas, que n’aurais-je pas à craindre ainsi seule dans une forêt ? » Elle ne faisait que penser de quelle manière elle pourrait se sauver, lorsqu’il lui en fournit le moyen ; car ayant peur qu’elle n’eût besoin de boire, il alla voir où il pourrait trouver quelque ruisseau, afin de l’y conduire : pendant qu’il cherchait, elle se déroba promptement, et vint à la maisonnette où Giroflée l’attendait. Elle se jeta encore sur son lit, la nuit vint, sa métamorphose cessa elle lui apprit son aventure.

« Le croirais-tu, ma chère, lui dit-elle, mon prince Guerrier est dans cette forêt ; c’est lui qui m’a chassée depuis deux jours, et qui, m’ayant prise, m’a fait mille caresses. Ah ! que le portrait qu’on m’en apporta est peu fidèle ! il est cent fois mieux fait : tout le désordre où l’on voit les chasseurs ne dérobe rien à sa bonne mine, et lui conserve des agrémens