Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
433
AU BOIS.

sienne, qu’elle n’était séparée que par une cloison.

Lorsque le prince fut retiré, son confident lui dit qu’il était le plus trompé des hommes ou que cette fille avait demeuré avec la princesse Désirée, qu’il l’avait vue au palais, quand il y était allé en ambassade. « Quel funeste souvenir me rappelez-vous, lui dit le prince, et par quel hasard serait-elle ici ? — C’est ce que j’ignore, seigneur, ajouta Becafigue ; mais j’ai envie de la voir encore, et puisqu’une simple menuiserie nous sépare, j’y vais faire un trou. Voilà une curiosité bien inutile, dit le prince tristement, car les paroles de Becafigue avaient renouvelé toutes ses douleurs. » En effet il ouvrit sa fenêtre qui regardait dans la forêt, et se mit à rêver.

Cependant Becafigue travaillait, et il eut bientôt fait un assez grand trou pour voir la charmante princesse vêtue d’une robe de brocard d’argent, mêlé de quelques fleurs incarnates brodées d’or avec des émeraudes : ses cheveux tombaient par grosses boucles sur la plus belle gorge du monde ; son teint brillait des plus vives couleurs, et ses yeux ravissaient. Giroflée était à genoux devant elle, qui lui bandait le bras, dont le sang coulait avec abondance : elles paraissaient toutes les deux assez embarrassées de cette blessure. « Laisse-moi mourir, disait la princesse, la mort me sera plus douce que la déplorable vie que je mène. Quoi ! être biche tout le jour, voir celui à qui je suis destinée, sans lui parler, sans