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LA CHATTE

— Aimable Blanchette, lui dit-il, je vous avoue que je suis si pénétré de vos bontés, que si vous y vouliez consentir, je préférerais de passer ma vie avec vous, à toutes les grandeurs que j’ai lieu de me promettre ailleurs. — Fils de roi, répliqua-t-elle, je suis persuadée de la bonté de ton cœur ; c’est une marchandise rare parmi les princes ; ils veulent être aimés de tout le monde, et ne veulent rien aimer ; mais tu montres assez que la règle générale a son exception. Je te tiens compte de l’attachement que tu témoignes pour une petite Chatte Blanche, qui dans le fond n’est propre à rien qu’à prendre des souris. » Le prince lui baisa la patte et partit.

L’on aurait de la peine à croire la diligence qu’il fit, si l’on ne savait déjà de quelle mamière le cheval de bois l’avait porté, en moins de deux jours, à plus de cinq cents lieues du château de sorte que le même pouvoir qui anima celui-là, pressa si fort les autres, qu’ils ne restèrent que vingt-quatre heures sur le chemin ; ils ne s’arrêtèrent en aucun endroit, jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés chez le roi, où les deux frères aînés du prince s’étaient déjà rendus ; de sorte que ne voyant point paraître leur cadet ils s’applaudissaient de sa négligence, et se disaient tout bas l’un à l’autre : « Voilà qui est bien heureux, il est mort ou malade, il ne sera point notre rival dans l’affaire importante qui va se traiter. » Aussitôt ils déployèrent leurs toiles, qui à la vérité étaient si fines, qu’elles passaient dans le trou d’une grosse aiguille, mais pour dans une