crit, il n’y a eu que celle-là aussi accomplie. Ses yeux ravissaient les cours, et sa douceur les retenait : sa taille était majestueuse, l’air noble et modeste, un esprit liant, des manières engageantes ; enfin elle était au-dessus de tout ce qu’il y a de plus aimable.
Le prince en la voyant demeura si surpris et d’une surprise si agréable, qu’il se crut enchanté. Il ne pouvait parler, ses yeux n’étaient pas assez grands pour la regarder, et sa langue liée ne pouvait expliquer son étonnement ; mais ce fut bien autre chose, lorsqu’il vit entrer un nombre extraordinaire de dames et de seigneurs, qui tenant tous leur peau de chatte ou de chat jetée sur leurs épaules, vinrent se prosterner aux pieds de la reine, et lui témoigner leur joie de la revoir dans son état naturel. Elle les reçut avec des témoignages de bonté qui marquaient assez le caractère de son cœur. Et après avoir tenu son cercle quelques momens, elle ordonna qu’on la laissât seule avec le prince, et elle lui parla ainsi :
« Ne pensez pas, seigneur, que j’aie toujours été Chatte, ni que ma naissance soit obscure parmi les hommes. Mon père était roi de six royaumes. Il aimait tendrement ma mère, et la laissait dans une entière liberté de faire tout ce qu’elle voulait. Son inclination dominante était de voyager ; de sorte qu’étant grosse de moi, elle entreprit d’aller voir une certaine montagne dont elle avait entendu dire des choses surprenantes. Comme elle était en chemin,