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LA CHATTE

fiques ; je me flattai que j’y avais un peu de part, et je ne me trompais point. Il me parla avec une espèce de trompette qui porte la voix, et, par son secours, il me dit qu’ayant été insensible jusqu’alors à toutes les beautés qu’il avait vues, il s’était senti tout d’un coup si vivement frappé de la mienne, qu’il ne pouvait comprendre comment il se passerait, sans mourir, de me voir tous les jours de sa vie. Je demeurai très-contente de son complimept, et très inquiète de n’oser y répondre ; car il aurait fallu crier de toute ma force, et me mettre dans le risque d’être mieux entendue encore des fées que de lui. Je tenais quelques fleurs que je lui jetai, il les reçut comme une insigne faveur ; de sorte qu’il les baisa plusieurs fois, et me remercia. Il me demanda ensuite si je trouverais bon qu’il vint tous les jours à la même heure sous mes fenêtres, et que si je le voulais bien, je lui jetasse quelque chose. J’avais une bague de turquoise, que j’ôtai brusquement de mon doigt, et que je lui jetai avec beaucoup de précipitation, lui faisant signe de s’éloigner en diligence ; c’est que j’entendais de l’autre côté la fée Violente qui montait sur son dragon pour m’apporter à déjeûner.

» La première chose qu’elle dit en entrant dans ma chambre, ce furent ces mots : Je sens ici la voix d’un homme ; cherche, dragon. Oh ! que devins-je ! j’étais transie de peur qu’il ne passât par l’autre fenêtre, et qu’il ne suivit le chevalier pour lequel je m’intéressais déjà beau-