Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/615

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les aurais déjà fait venir loger dans le palais. » La reine mère se fâcha beaucoup, elle l’accusait de manquer d’égards pour elle, et lui fit des reproches de s’exposer si légèrement.

Dès qu’il l’eut quittée, elle envoya dire à Feintise de lui venir parler ; elle s’enferma avec elle dans son cabinet et la prit d’une main par les cheveux, lui portant un poignard sur la gorge : « Malheureuse, dit-elle, je ne sais quel reste de bonté m’empêche de te sacrifier à mon juste ressentiment : tu m’as trahie, tu n’as point tué les quatre enfants que j’avais remis entre tes mains pour en être défaite ; avoue au moins ton crime, et peut-être que je te le pardonnerai. » Feintise demi-morte de peur se jeta à ses pieds, et lui dit comme la chose s’était passée ; qu’elle croyait impossible que les enfants fussent encore en vie, parce qu’il s’était élevé une tempête si effroyable qu’elle avait pensé être accablée de la grêle ; niais qu’enfin elle lui demandait du temps, et qu’elle trouverait le moyen de la défaire d’eux l’un après l’autre, sans que personne au monde pût l’en soupçonner.

La reine qui ne voulait que leur mort s’apaisa un peu, elle lui dit de n’y perdre pas un moment ; et en effet la vieille Feintise qui se voyait en grand péril ne négligea rien de ce qui dépendait d’elle : elle épia le temps que les trois princes étaient à la chasse, et portant sous son bras une guitare, elle alla s’asseoir vis-à-vis des fenêtres de la princesse, où elle chanta ces paroles :