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L’OISEAU

En effet, aussitôt qu’elle fut retournée dans sa chambre, quatre hommes masqués la portèrent au haut de la tour, et l’y laissèrent dans la dernière désolation ; car elle vit bien que l’on n’en usait ainsi que pour l’empêcher de plaire au roi, qui lui plaisait déjà fort, et qu’elle aurait bien voulu pour époux.

Comme il ne savait pas les violences que l’on venait de faire à la princesse, il attendait l’heure de la revoir avec mille impatiences ; il voulut parler d’elle à ceux que le roi avait mis auprès de lui pour lui faire plus d’honneur ; mais, par l’ordre de la reine, ils lui en dirent tout le mal qu’ils purent ; qu’elle était coquette, inégale, de méchante humeur ; qu’elle tourmentait ses amis et ses domestiques ; qu’on ne pouvait être plus malpropre, et qu’elle poussait si loin l’avarice, qu’elle aimait mieux être habillée comme une petite bergère, que d’acheter de riches étoffes de l’argent que lui donnait le roi son père. À tout ce détail, Charmant souffrait, et se sentait des mouvemens de colère qu’il avait bien de la peine à modérer. « Non, disait-il en lui-même, il est impossible que le ciel ait mis une âme si mal faite dans le chef-d’œuvre de la nature : je conviens qu’elle n’était pas proprement mise quand je l’ai vue ; mais la honte qu’elle en avait, prouve assez qu’elle n’est point accoutumée à se voir ainsi. Quoi ! elle serait mauvaise avec cet air de modestie et de douceur qui enchante ? ce n’est pas une chose qui tombe sous le sens ; il m’est bien