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BLEU.

ensemble, et conclurent que l’Oiseau Bleu était le roi Charmant. « Quel affront ! s’écria la reine. Quel affront, ma Truitonne ! Cette insolente princesse, que je croyais si affligée, jouissait en repos des agréables conversations de notre ingrat ! Ah ! je me vengerai d’une manière si sanglante, qu’il en sera parlé. » Truitonne la pria de n’y perdre pas un moment ; et comme elle se croyait plus intéressée dans l’affaire que la reine, elle mourait de joie lorsqu’elle pensait à tout ce qu’on ferait pour désoler l’amant et la maîtresse.

La reine renvoya l’espionne dans la tour ; elle lui ordonna de ne témoigner ni soupçon ni curiosité, et de paraître plus endormie qu’à l’ordinaire. Elle se coucha de bonne heure, elle ronfla de son mieux ; et la pauvre princesse déçue, ouvrant la petite fenêtre, s’écria :

Oiseau Bleu, couleur du temps,
Vole à moi promptement.

Mais elle l’appela toute la nuit inutilement ; il ne parut point ; car la méchante reine avait fait attacher aux cyprès des épées, des couteaux, des rasoirs, des poignards ; et lorsqu’il vint à tire-d’aile, s’abattre dessus ces armes meurtrières lui coupèrent les pieds ; il tomba sur d’autres, qui lui coupèrent les ailes ; et enfin, tout percé, il se sauva avec mille peines jusqu’à son arbre, laissant une longue trace de sang.

Que n’étiez-vous là, belle princesse, pour soulager cet Oiseau royal ? Mais elle serait morte si elle l’avait vu dans un état si déplo-