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LA PRINCESSE ROSETTE.

lui dit : Nous craignons, madame, que Rosette ne cause un grand malheur à ses frères ; qu’ils ne meurent dans quelque affaire pour elle. Voilà tout ce que nous pouvons deviner sur cette belle petite fille. Elles s’en allèrent ; et la reine resta si triste, si triste, que le roi s’en aperçut. Il lui demanda ce qu’elle avait ? elle répondit qu’elle s’était approchée trop près du feu, et qu’elle avait brûlé tout le lin qui était sur la quenouille. N’est-ce que cela ? dit le roi. Il monta dans son grenier, et lui apporta plus de lin qu’elle n’en pouvait filer en cent ans.

La reine continua d’être triste : il lui demanda ce qu’elle avait. Elle lui dit qu’étant au bord de la rivière, elle avait laissé tomber sa pantoufle de satin vert dans le cours d’eau. N’est-ce que cela ? dit le roi. Il envoya quérir tous les cordonniers de son royaume, et lui apporta dix mille pantoufles de satin vert.

Elle continua d’être triste : il lui demanda ce qu’elle avait. Elle lui dit qu’en mangeant de trop bon appétit, elle avait avalé sa bague de noce, qui était à son doigt. Le roi découvrit qu’elle mentait car il avait caché cette bague, et lui dit : Ma chère femme, vous mentez ; voilà votre bague que j’ai serrée dans ma bourse. Dame ! elle fut bien attrapée d’être prise à mentir (car c’est la chose la plus laide du monde), et elle vit que le roi boudait ; c’est pourquoi elle lui dit ce que les fées avaient prédit de la petite Rosette, et que s’il savait quelque bon remède, il le dît. Le roi s’attrista beaucoup ; jusque-là il dit une fois à la reine : Je ne sais point d’autre moyen de sauver nos deux fils, qu’en faisant mourir la petite pendant qu’elle est