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LA PRINCESSE ROSETTE.

bonnes amies, et le royaume de son frère entre les mains des plus sages vieillards de la capitale. Elle leur recommanda bien d’avoir soin de tout, de ne guère dépenser, d’amasser de l’argent pour le retour du roi ; elle les pria de conserver son paon, et ne voulut mener avec elle que sa nourrice et sa sœur de lait, avec le petit chien vert Frétillon.

Elles se mirent dans un bateau sur la mer. Elles portaient le boisseau d’écus d’or, et des habits pour dix ans, à en changer deux fois par jour : elles ne faisaient que rire et chanter. La nourrice demandait au batelier : Approchons-nous, approchons-nous du royaume des paons ? Il lui disait : Non, non. Une autre fois elle lui demandait : Approchons-nous, approchons-nous ? Il lui disait : Bientôt, bientôt. Une autre fois elle lui dit : Approchons-nous, approchons-nous ? Il répliqua : Oui, oui. Et quand il eut dit cela, elle se mit au bout du bateau, assise auprès de lui, et lui dit : Si tu veux tu seras riche à jamais. Il répondit : Je le veux bien. Elle continua : Si tu veux, tu gagneras de bonnes pistoles. Il répondit : Je ne demande pas mieux. — Eh bien, dit-elle, il faut que cette nuit, pendant que la princesse dormira, tu m’aides à la jeter dans la mer. Après qu’elle sera noyée, j’habillerai ma fille de ses beaux habits, et nous la mènerons au roi des paons, qui sera bien aise de l’épouser ; et pour ta récompense, nous te donnerons ton plein cou chargé de diamants.

Le batelier fut bien étonné de ce que lui proposait la nourrice. Il lui dit que c’était dommage de noyer une si belle princesse, qu’elle lui faisait pitié ; mais elle prit une