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L’OISEAU BLEU.

petite bergère, que d’acheter de riches étoffes de l’argent que lui donnait le roi son père. À tout ce détail, Charmant souffrait, et se sentait des mouvements de colère qu’il avait bien de la peine à modérer. Non, disait-il en lui-même, il est impossible que le ciel ait mis une âme si mal faite dans le chef-d’œuvre de la nature : je conviens qu’elle n’était pas proprement mise quand je l’ai vue ; mais la honte qu’elle en avait, prouve assez qu’elle n’est point accoutumée à se voir ainsi.

Pendant ce temps la princesse était couchée par terre dans le donjon de cette terrible tour, où les hommes masqués l’avaient emportée. Je serais moins à plaindre, disait-elle, si l’on m’avait mise ici avant que j’eusse vu cet aimable roi l’idée que j’en conserve ne peut servir qu’à augmenter mes peines. Je ne dois pas douter que c’est pour m’empêcher de le voir davantage, que la reine me traite si cruellement. Elle pleurait ensuite si amèrement, que sa propre ennemie en aurait en pitié, si elle avait été témoin de ses douleurs.

Lorsque Charmant put aller chez le roi et la reine, il se rendit dans leur appartement : il espérait que Florine y serait ; il regardait de tous côtés pour la voir. Dès qu’il entendait entrer quelqu’un dans la chambre, il tournait la tête brusquement vers la porte ; il paraissait inquiet et chagrin. La malicieuse reine devinait assez ce qui se passait dans son âme, mais elle n’en faisait pas semblant. Elle ne lui parlait que de parties de plaisir ; il lui répondait tout de travers ; enfin il demanda où était la princesse Florine. Seigneur, lui dit fièrement la reine, le roi, son père, a dé-