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L’OISEAU BLEU.

ses cheveux et de son chapeau de paille. Infortunée que je suis ! disait-elle, je viens ici pour augmenter le triomphe de ma rivale, et me rendre témoin de sa satisfaction ! C’était donc à cause d’elle que l’Oiseau Bleu cessa de me venir voir ! C’était pour ce petit monstre qu’il faisait la plus cruelle de toutes les infidélités, pendant qu’abîmée dans la douleur, je m’inquiétais pour la conservation de sa vie !

Quand on a beaucoup de chagrin, il est rare d’avoir bon appétit ; la reine se logea dans une misérable chaumière, et se coucha sans souper. Elle se leva avec le jour, elle courut au temple : elle n’y entra qu’après avoir essuyé mille rebuffades des gardes et des soldats. Elle vit le trône du roi et celui de Truitonne, qu’on regardait déjà comme la reine. Quelle douleur pour une personne aussi tendre et aussi délicate que Florine ! Elle s’approcha du trône de sa rivale ; elle se tint debout, appuyée contre un pilier de marbre.

Le roi vint le premier, plus beau et plus aimable qu’il eût été de sa vie. Truitonne parut ensuite richement vêtue, et si laide, qu’elle en faisait peur. Elle regarda la reine en fronçant le sourcil : Qui es-tu, lui dit-elle, pour oser t’approcher de mon excellente figure ? — Je me nomme Mie-Souillon, répondit-elle ; je viens de loin pour vous vendre des raretés : elle fouillà aussitôt dans son sac, elle en tira les bracelets que le roi. Charmant lui avait donnés. — Ho, ho, dit Truitonne, voilà de jolies verreries ! en veux-tu une pièce de cinq sous ? — Montrez-les, madame, aux connaisseurs, dit la reine, et puis nous ferons notre marché. Truitonne, qui aimait le roi plus tendrement qu’une telle bête