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LA CHATTE BLANCHE.

une franche chicane, où il entrait beaucoup d’adresse et de normanisme. Les créatures du roi soutenaient qu’il n’était point obligé de tenir des conditions qu’il n’avait pas proposées ; enfin pour les mettre tous d’accord, l’on entendit un bruit charmant de trompettes, de timbales et de hautbois ; c’était notre prince qui arrivait en pompeux appareil. Le roi et ses deux fils demeurèrent aussi étonnés les uns que les autres d’une si grande magnificence :

Après qu’il eut salué respectueusement son père, embrassé ses frères, il tira d’une boîte couverte de rubis la noix, qu’il cassa ; il croyait y trouver la pièce de toile tant vantée, mais il y avait au lieu une noisette. Il la cassa encore, et demeura surpris de voir un noyau de cerise. Chacun se regardait, le roi riait tout doucement, et se moquait que son fils eût été assez crédule pour croire apporter dans une noix une pièce de toile ; mais pourquoi ne l’aurait-il pas cru, puisqu’il avait déjà donné un petit chien qui tenait dans un gland ? Il cassa donc le noyau de cerise qui était rempli de son amande ; alors il s’élevà un grand bruit dans la chambre : l’on n’entendait autre chose, sinon : Le prince cadet est la dupe de l’aventure. Il ne répondit rien aux mauvaises plaisanteries des courtisans, il ouvre l’amande et trouve un grain de blé, puis dans le grain de blé un grain de millet. Ho ! c’est la vérité qu’il commença à se défier, et marmotta entre ses dents : Chatte blanche, Chatte blanche, tu t’es moquée de moi. Il sentit dans ce moment la griffe d’un chat sur sa main, dont il fut si bien égratigné, qu’il en saignait. Il ne savait si cette griffade était faite pour lui donner du cœur, ou pour