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LA CHATTE BLANCHE.

six semaines. Elle ne dormait ni ne mangeait, elle ne parlait que des fruits du jardin inaccessible, enfin elle tomba dangereusement malade, sans que qui que ce fût pût apporter le moindre remède à son mal, car les inexorables fées n’avaient pas même paru depuis qu’elle s’était établie proche de leur château.

Une nuit qu’elle s’était un peu assoupie, elle vit en se réveillant une petite vieille, laide et décrépite, assise dans un fauteuil au chevet de son lit. Nous trouvons ta majesté bien importune, lui dit la vieille, de vouloir avec tant d’opiniâtreté manger de nos fruits ; mais puisqu’il y va de ta précieuse vie, mes sœurs et moi consentons à t’en donner tant que tu pourras en emporter, et tant que tu resteras ici, pourvu que tu nous fasses un don. — Ah ! ma bonne mère, s’écria la reine, parlez, je vous donne mes royaumes, mon cœur, mon âme, pourvu que j’aie des fruits. — Nous voulons, dit-elle, que ta majesté nous donne la fille dont tu vas être mère ; dès qu’elle sera née, nous la viendrons querir ; elle sera nourrie parmi nous, il n’y a point de vertus, de beautés, de sciences, dont nous ne la douions : en un mot, ce sera notre enfant, nous la rendrons heureuse ; mais observe que ta majesté ne la reverra plus qu’elle ne soit mariée. Si la proposition t’agrée, je vais tout à l’heure te guérir, et te mener dans nos vergers ; malgré la nuit, tu verras assez clair pour choisir ce que tu voudras. Si ce que je te dis ne te plaît pas, bonsoir, madame la reine, je vais dormir. — Quelque dure que soit la loi que vous m’imposez, répondit la reine ma mère, je l’accepte plutôt que de mourir, car il est certain que je n’ai pas un