fait peur ! — C’est par cette raison, ajouta le prince, que je ne veux point m’allier avec un autre monstre ; j’ai assez de peine à me souffrir : que serait-ce si j’avais une telle compagnie ? — Vous craignez de perpétuer la race des magots, répondit le roi d’un air offensant ; mais vos craintes sont vaines, vous l’épouserez. Il suffit que je l’ordonne pour être obéi. Torticoli ne répliqua rien ; il fit une profonde révérence, et se retira.
Le roi Brun n’était point accoutumé à trouver la plus petite résistance ; celle de son fils le mit dans une colère épouvantable. Il le fit enfermer dans une tour qui avait été bâtie exprès pour les princes rebelles.
Le roi Brun, persuadé que Torticoli se lasserait de sa prison, agit comme s’il avait consenti à épouser Trognon ; il envoya des ambassadeurs au roi son voisin, pour lui demander sa fille, à laquelle il promettait une félicité parfaite. Le père de Trognon fut ravi de trouver une occasion si avantageuse de la marier ; car tout le monde n’est pas d’humeur de se charger d’un cul-de-jatte. Il accepta la proposition du roi Brun ; quoiqu’à dire vrai, le portrait du prince Torticoli, qu’on lui avait apporté, ne lui parût pas fort touchant. Il le fit placer à son tour dans une galerie magnifique ; l’on y apporta Trognon. Lorsqu’elle l’aperçut, elle baissa les yeux et se mit à pleurer. Son père, indigné de la répugnance qu’elle témoignait, prit un miroir. Le mettant vis-à-vis d’elle : Vous pleurez, ma fille, lui dit-il ; ah ! regardez-vous, et convenez après cela qu’il ne vous est pas permis de pleurer. — Si j’avais quelque empressement d’être mariée, seigneur, lui dit-elle, j’aurais